Les rapports d’inspection sont communicables en n’y occultant que les noms des personnes employées par les établissements, « à l’exclusion de toute autre occultation ». Les risques de sécurité, de préjudice ou d’atteinte au secret des affaires ne sont pas caractérisés.
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2020 au tribunal administratif de Melun, et des mémoires, enregistrés le 6 mai, le 29 septembre et le 15 décembre 2021, M. Nicolas Marty demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision par laquelle la préfète du Val-de-Marne (direction départementale de la protection des populations du Val-de-Marne – DDPP 94) a refusé de lui communiquer des copies numériques du dernier rapport d’inspection de chacun des établissements pratiquant l’expérimentation animale sur son territoire ;
2°) d’enjoindre à la préfète du Val-de-Marne (DDPP 94) de communiquer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département, dans lesquels ne seront occultés ni les noms des établissements, ni les dates d’inspection et de rapport, ni les intitulés de la grille d’inspection, ni les niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires, quelle que soit la date de productions de ces rapports.
Il soutient que :
– la DDPP 94 n’est pas compétente pour décider de ne pas fournir les documents demandés ;
– la décision de la DDPP 94 n’est pas motivée ;
– en refusant de communiquer les documents demandés, et ce, malgré l’avis de la CADA du 29 octobre 2020, la DDPP 94 a violé les articles L. 300-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration (CRPA).
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2021, la DDPP 94 conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
– la DDPP 94 a été destinataire de la demande de communication des documents et dispose de ceux-ci, elle est donc compétente pour prendre la décision de refus de communication ;
– la demande de communication est abusive : la DDPP 94 étant en charge de l’agrément de 23 établissements, la charge de travail supplémentaire est disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose ;
– la communication des rapports risquerait de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes au sens du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration en raison des fortes oppositions émises à l’encontre de l’activité d’expérimentation sur des animaux ;
– la communication des rapports aurait pour conséquence la divulgation du comportement d’une personne qui pourrait lui causer préjudice au sens du 3° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration ;
– il y aurait atteinte au secret industriel et commercial, tel que visé au 1° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, à communiquer des informations qui peuvent concerner des laboratoires de recherche en matière industrielle et commerciale de renommée internationale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ; – le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. xxx, vice-président, pour statuer sur les litiges relevant de l’article R. 222-13 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Après avoir, au cours de l’audience publique, présenté son rapport et entendu : – les conclusions de Mme xxx, rapporteure publique,
– et les observations de M. xxx, représentant la préfète du Val-de-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 mai 2020, M. Nicolas Marty a demandé à la préfète du Val-de-Marne (direction départementale de la protection des populations) communication des copies numériques du dernier rapport d’inspection de chacun des établissements pratiquant l’expérimentation animale sur son territoire. En l’absence de réponse de sa part, il a saisi, le 27 juillet 2020, la commission d’accès aux documents administratifs (« CADA »), qui a rendu, le 29 octobre 2020, un avis favorable sous réserve, à la communication des documents sollicités. Le 1er décembre 2020, M. Marty a renouvelé sa demande auprès de la DDPP 94. Par la présente requête, M. Marty demande au tribunal d’annuler la décision par laquelle la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département dans lesquels ne seront occultés ni les noms des établissements, ni les dates d’inspection et de rapport, ni les intitulés de la grille d’inspection, ni les niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires, quelle que soit la date de production de ces rapports.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. L’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration dispose que : « Sont considérés comme documents administratifs, (…), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. (…) ». Aux termes de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration: « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ». Aux termes de l’article L.311-2 du même code, « L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ». Aux termes du d) du 2° de l’article L.311-5 du code des relations entre le public et l’administration, ne sont pas communicables les « documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte à la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations ». Aux termes de l’article L. 311-6 du même code : « Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires (…) ; / 2° portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable /3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ». L’article L. 311-7 du code des relations entre le public et l’administration dispose : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ».
3. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de contrôler la régularité et le bien-fondé d’une décision de refus de communication de documents administratifs. Pour ce faire, par exception au principe selon lequel le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité d’un acte administratif à la date de son édiction, il appartient au juge, eu égard à la nature des droits en cause et à la nécessité de prendre en compte l’écoulement du temps et l’évolution des circonstances de droit et de fait afin de conférer un effet pleinement utile à son intervention, de se placer à la date à laquelle il statue.
4. En premier lieu, pour justifier le refus de communication, la préfète du Val-de-Marne soutient que la demande de communication de M. Marty est abusive en ce qu’elle aurait pour effet de faire peser sur les services de la DDPP 94 une charge de travail supplémentaire disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Toutefois, en dépit de la charge supplémentaire de travail, y compris d’occultation éventuelle des documents que le traitement d’une telle demande est susceptible d’entraîner, rien dans les éléments exposés ne permet de dire qu’elle serait manifestement disproportionnée au regard des moyens dont dispose la DDPP 94, lesquels doivent être considérés globalement et non pas par référence exclusive aux emplois dédiés de manière permanente à la mission d’agrément. Il n’apparaît ainsi pas que cette demande, malgré le nombre d’établissements concernés au sein du département, ferait spécialement peser sur les services de l’Etat une charge excessive ou viserait à en perturber le bon fonctionnement et, en conséquence, qu’elle serait abusive.
5. En deuxième lieu, la préfète du Val-de-Marne soutient que la communication des rapports risquerait de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes au sens du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration en raison des fortes oppositions émises à l’encontre de l’activité d’expérimentation sur des animaux. Toutefois, si le sujet de la condition animale est un sujet sensible et qu’il a pu conduire des activistes à mener des actions juridiquement répréhensibles à l’encontre de sites ou activités ciblés, aucune menace circonstanciée n’est rapportée concernant les établissements impliqués ou relative, en l’absence de toute désignation des établissements, à la zone géographique concernée, et aucun élément relatif à la nature de la demande ou son auteur ne permet d’induire l’existence d’un risque pour la sécurité publique ou la sécurité des personnes. Ainsi, les motifs révélés de la demande, résidant dans la rédaction d’un ouvrage, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à caractériser une menace justifiant le refus de communication, quand bien même ceux-ci n’ont été connus que postérieurement au refus de la DDPP 94, dès lors que, en matière de litige relatif à la communication de documents administratifs, le juge apprécie la situation de fait et de droit à la date à laquelle il statue, ainsi qu’il a été dit au point 3.
6. En troisième lieu, la préfète du Val-de-Marne fonde également son refus de communication des rapports sur le 3° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, lequel autorise l’absence de communication dès lors que la divulgation du comportement d’une personne serait de nature à lui porter préjudice et s’appuie, pour ce faire, sur le caractère sensible du sujet de la condition animale au sein de la société et sur la perception négative des salariés exerçant au sein de ce type d’établissement. Toutefois, il n’est nullement démontré que la communication des informations demandées aurait pour effet de révéler le comportement d’une personne dès lors que seraient occultés, comme l’y autorise l’article L. 311-7 précité, les noms des personnes physiques exerçant au sein de l’établissement ou associés à celui-ci.
7. En quatrième lieu, la préfète du Val-de-Marne soutient que la communication des rapports porterait atteinte au secret des affaires au sens du 1° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration dès lors que les rapports d’inspection peuvent concerner des laboratoires de recherche de renommée internationale, notamment en matière de recherche pharmaceutique. Toutefois, il ne ressort pas du rapport et n’est au demeurant pas démontré que la communication des informations demandées, lesquelles concernent, outre les éléments d’identification du laboratoire, le niveau de respect des normes imposées en vue de garantir le bien-être animal, aurait pour conséquence la divulgation de techniques industrielles protégées par le secret des affaires.
8. Il résulte de ce qui précède que M. Marty est fondé à soutenir que la décision de la DDPP 94 refusant de lui faire communication de l’intégralité des rapports d’inspection demandés à l’exception des informations nominatives susceptibles de révéler le comportement de personnes physiques, à savoir le nom des interlocuteurs des sociétés inspectées, est illégale et à en demander pour ce motif et dans cette mesure, l’annulation partielle, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens de la requête.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
9. Aux termes de l’article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d’office l’intervention de cette nouvelle décision ».
10. Eu égard à ses motifs, le présent jugement implique qu’il soit enjoint à la préfète du Val-de-Marne (DDPP 94) de communiquer à M. Marty le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département à l’exception des informations nominatives susceptibles de révéler le comportement de personnes physiques, à savoir le nom des interlocuteurs des sociétés inspectées, à l’exclusion de toute autre occultation, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement. En revanche, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.
D E C I D E :
Article 1er : La décision de la préfète du Val-de-Marne est annulée en tant qu’elle refuse de communiquer l’intégralité des rapports d’inspection des établissements pratiquant l’expérimentation animale sur son territoire à l’exception des informations nominatives susceptibles de révéler le comportement de personnes physiques, à savoir le nom des interlocuteurs des sociétés inspectées.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de communiquer à M. Marty les documents mentionnés à l’article 1er dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2022.
Vu la procédure suivante :
M. B A a demandé au tribunal administratif de Melun, d’une part, d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui communiquer des copies numériques du dernier rapport d’inspection de chacun des établissements pratiquant l’expérimentation animale sur son territoire et, d’autre part, de lui enjoindre, dans un délai de quinze jours et sous astreinte, de communiquer ce rapport sans occulter le nom des établissements, ni les dates d’inspection et de rapport, ni les intitulés de la grille d’inspection, ni les niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires. Par un jugement n° 2010551 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision en tant qu’elle refuse de communiquer l’intégralité des rapports d’inspection des établissements pratiquant l’expérimentation animale sur son territoire, a enjoint à la préfète du Val-de-Marne de communiquer à M. A les documents dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par un pourvoi sommaire, enregistré le 10 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. A.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Le premier alinéa de l’article R. 822-5 du code de justice administrative dispose que : » En cas de désistement avant l’admission du pourvoi, ou si le requérant est réputé s’être désisté en application de l’article R. 611-22, le président de la chambre donne acte du désistement par ordonnance « . Cette procédure ne nécessite ni instruction contradictoire préalable, ni audience publique.
2. Aux termes de l’article R. 611-22 du code de justice administrative : » Lorsque la requête ou le recours mentionne l’intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n’est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s’être désisté à la date d’expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d’Etat donne acte de ce désistement « .
3. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, dans son pourvoi sommaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 10 mars 2022, a exprimé l’intention de produire un mémoire complémentaire. A la date de la présente ordonnance, le délai imparti par les dispositions précitées est expiré. Aucun mémoire complémentaire n’a été produit avant l’expiration de ce délai. Ainsi, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation doit être réputé s’être désisté de son pourvoi. Il y a lieu, par suite, de donner acte de ce désistement d’instance.
ORDONNE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement d’instance du ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée à M. B A.
Fait à Paris, le 5 décembre 2022