Les rapports d’inspection sont communicables en n’y occultant que le nom des personnes physiques qui y travaillent. Les craintes de préjudice et de sécurité ne sont pas caractérisées.
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 décembre 2020 et le 29 septembre 2021, M. Nicolas Marty demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision implicite par laquelle la direction départementale des populations de l’Eure a refusé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département ;
2°) d’enjoindre à la direction départementale des populations de l’Eure de communiquer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100€ par jour de retard, le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département sans aucune occultation.
M. Marty soutient que :
– la décision est entachée d’incompétence ;
– en refusant de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département, la direction départementale des populations de l’Eure a méconnu les dispositions des article L.300-1 et suivant du code des relations entre le public et l’administration, relatif à la communication des documents administratifs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre2021, lepréfet del’Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. Marty ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ; – le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme xxx pour statuer sur les litiges relevant de l’article R. 222-13 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de M. xxx,
– les conclusions de M. xxx, rapporteur public, – et les observations de M. Marty.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 mai 2020, M. Marty a envoyé un message électronique à la direction départementale de la protection des populations de l’Eure (DDPP27) pour demander la communication des copies numériques du dernier rapport d’inspection de chaque établissement pratiquant l’expérimentation animale sur le territoire du département de l’Eure. Le préfet de l’Eure a implicitement rejeté cette demande. L’intéressé a alors exercé, par une saisine enregistrée le 27 juillet 2020, le recours administratif préalable obligatoire devant la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) laquelle a rendu, le 29 octobre 2020, un avis sous le n° 20203221.
2. M. Marty demande l’annulation de la décision implicite par laquelle la direction départementale des populations de l’Eure a refusé de fournir le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département.
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
En ce qui concerne le moyen de légalité externe :
3. M. Marty soutient que « l’illégalité externe repose ici sur l’incompétence territoriale de la DDPP27 (Eure), qui n’est pas compétente pour décider de ne pas fournir les documents demandés ». Il ressort cependant des pièces produites et notamment du message électronique du 7 mai 2020 que M. Marty a adressé sa demande à la DDPP27. Par suite, la décision implicite contestée doit être regardée comme émanant du préfet de l’Eure. Le moyen doit par suite être écarté.
En ce qui concerne le moyen de légalité interne :
4. Un document administratif détenu par une collectivité publique est soumis au droit d’accès prévu par l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous les réserves notamment prévues par les d), f) et g) de l’article L. 311-5 et l’article L. 311-6 et, le cas échéant, dans les conditions prévues à l’article L. 311-7 du même code. En application de ces dispositions doivent ainsi être disjoints ou occultés les éléments dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente, à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature ou à la protection de la vie privée de personnes ou lorsque ces éléments portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou font apparaître le comportement d’une personne dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, sauf à ce que ces disjonctions ou occultations privent d’intérêt la communication de ce document.
5. Il ressort, en premier lieu, du message électronique du 7 mai 2020 adressé à la DDPP27, que M. Marty a demandé à « avoir accès au dernier rapport d’inspection de chacun des laboratoires dont (la DDPP27 a) la charge », qu’il doit par suite être regardé comme ayant demandé la communication de ces documents. La circonstance qu’il ait demandé un devis dans l’hypothèse où la numérisation du document ne serait pas encore réalisée et qu’elle doive l’être à sa charge est sans incidence sur la qualification de sa demande, laquelle était suffisamment précise quant aux documents dont la communication était demandée.
6. En deuxième lieu, les rapports d’inspection dont la communication est demandée se rattachent directement à la mission de service public de la DDPP27. Ils constituent ainsi des documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Ils étaient, par suite, communicables de plein droit au requérant en application de l’article L. 311-1 du même code, sous les réserves énoncées au point 4. Contrairement à ce que soutient le préfet de l’Eure, même s’il existe un contexte de sensibilité sociétale accrue en matière de protection du bien-être animal, les personnes morales qui accueillent des expérimentations sur les animaux et les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans de tels établissements ne peuvent pas être regardés comme ayant, en ces seules qualités, un comportement tel que la simple divulgation de leur identité serait, par elle-même, susceptible de leur porter préjudice. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier et n’est d’ailleurs pas allégué que l’identité des personnes morales et physiques figurant dans les rapports d’inspection devrait en l’espèce être occultée en application des dispositions des d), f) et g) de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration.
7.Toutefois, les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans des établissements qui accueillent des expérimentations sur les animaux ont droit à la protection de leur vie privée. Le préfet de l’Eure fait donc valoir à bon droit que l’identification de ces personnes doit être occultée sur le fondement de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
8. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. Marty est fondé à demander l’annulation de cette décision en tant qu’elle a refusé de communiquer le dernier rapport d’inspection au jour de sa demande de chacun des établissements pratiquant l’expérimentation animale sur le territoire du département de l’Eure.
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
9. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution ». Aux termes de l’article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l’injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d’une astreinte qu’elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d’effet ».
10. L’exécution du présent jugement implique nécessairement que le préfet de l’Eure communique à M. Marty le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale dans le département de l’Eure au jour de sa demande. Toutefois, les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle au sein de ces établissements ont droit à la protection de leur vie privée. Dès lors, il y a lieu d’ordonner au préfet de procéder à ces diligences dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement en occultant l’identification de ces personnes sur le fondement de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Il n’y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.
DECIDE :
Article 1er : La décision implicite du préfet de l’Eure est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l’Eure de transmettre à M. Marty le dernier rapport d’inspection au jour de sa demande de chaque établissement d’expérimentation animale dans le département de l’Eure en occultant l’identification des personnes physiques qui exercent une activité professionnelle au sein de ces établissements.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et au préfet de l’Eure.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2021.
Vu la procédure suivante :
M. B A a demandé au tribunal administratif de Rouen, d’une part, d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle la direction départementale des populations de l’Eure a refusé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département et, d’autre part, de lui enjoindre, dans un délai de quinze jours et sous astreinte, de communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département sans aucune occultation. Par un jugement n° 2005187 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision implicite du préfet de l’Eure et lui a enjoint de transmettre à M. A le dernier rapport d’inspection au jour de sa demande de chaque établissement d’expérimentation animale dans le département de l’Eure en occultant l’identification des personnes physiques qui exercent une activité professionnelle au sein de ces établissements et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par un pourvoi sommaire, enregistré le 31 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. A.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Le premier alinéa de l’article R. 822-5 du code de justice administrative dispose que : » En cas de désistement avant l’admission du pourvoi, ou si le requérant est réputé s’être désisté en application de l’article R. 611-22, le président de la chambre donne acte du désistement par ordonnance « . Cette procédure ne nécessite ni instruction contradictoire préalable, ni audience publique.
2. Aux termes de l’article R. 611-22 du code de justice administrative : » Lorsque la requête ou le recours mentionne l’intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n’est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s’être désisté à la date d’expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d’Etat donne acte de ce désistement « .
3. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, dans son pourvoi sommaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 31 mars 2022, a exprimé l’intention de produire un mémoire complémentaire. A la date de la présente ordonnance, le délai imparti par les dispositions précitées est expiré. Aucun mémoire complémentaire n’a été produit avant l’expiration de ce délai. Ainsi, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation doit être réputé s’être désisté de son pourvoi. Il y a lieu, par suite, de donner acte de ce désistement d’instance.
ORDONNE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement d’instance du ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée à M. B A.
Fait à Paris, le 18 novembre 2022