
Résumé non technique d'un projet d'expérimentation animale, reproduit depuis ALURES
("EC NTS/RA identifier" : NTS-FR-390538)
Objectifs et bénéfices escomptés du projet
Décrire les objectifs du projet.
Dans le contexte actuel de forte pression sur la biodiversité aquatique, il est important de caractériser les liens entre variabilité environnementale et évolution des populations de poisson, notamment à travers l’étude de la variabilité des comportements et de la dépense énergétique, en lien l’adaptation. Une des conséquences du changement climatique est de produire des conditions variables lors des phases de croissance sous gravier des salmonidés, notamment des bas débits hivernaux et printaniers. Un des effets attendus est d’abaisser la hauteur d’eau sur certaines frayères et de Réduire les écoulements intra gravélaire qui participent au maintien de températures optimales pour le développement des œufs et des larves. Ces conditions peuvent induire du stress qui peut avoir des conséquences à moyen terme, notamment sur la croissance et la survie, paramètres liés aux comportements et au métabolisme. Ainsi, les individus émergents possédant des caractéristiques comportementales et métaboliques adaptées, maintenues dans le temps, pourraient avoir de meilleures croissances et mieux survivre dans les conditions futures, où la fréquence des températures élevées augmentera. Ce processus pourrait orienter et contraindre l’évolution génétique, du métabolisme et des comportements au sein des populations. L’objectif du projet est de caractériser, chez la truite commune, Salmo trutta L., l’effet de l’augmentation des températures en phase embryonnaire et larvaire, avant nutrition exogène, sur le développement, le comportement et le métabolisme des stades plus avancés (alevin). Par ailleurs, il vise à déterminer si les traits produits par ces augmentations sont maintenus dans le temps, et si certains procurent un avantage lors de la première phase de développement en eau libre (croissance, survie).
Quels sont les bénéfices susceptibles de découler de ce projet?
Les bénéfices attendus concernent les connaissances fondamentales et appliquées sur l’écologie et l’évolution des salmonidés juvéniles soumis aux variations thermiques durant la phase embryo-larvaire, en conditions d’élevage et en milieu naturel. Le projet déterminera si 1) les programmations thermiques en phase embryo-larvaire ont des conséquences en termes de développement, de comportement et de métabolisme, selon l’intensité de celles-ci 2) les paramètres comportementaux et métaboliques individuels sont conservés entre l’émergence du gravier et 30 jours après une phase de croissance en eau courante 3) la croissance et la survie sont impactées par la programmation thermique appliquée aux stades embryo-larvaires. Ces connaissances permettront de nourrir les modèles visant à prédire l’évolution des populations de truite impactées par les changements climatiques futurs. Elles pourront également aider les gestionnaires et la filière piscicole en révélant les impacts de périodes à forte variabilité thermique sur le développement sous gravier ou en incubateur, et améliorer la prise de décision pour la gestion des débits naturels (éclusées, débits réservés, …) ou des températures en élevage. La mise au jour de comportements et de métabolismes mieux adaptés aux variabilités thermiques futures pourrait orienter les choix de géniteurs et de croisements dans les actions de repeuplement ou en production salmonicole.
Nuisances prévues
À quelles procédures les animaux seront-ils soumis en règle générale?
1) Pêche à l’électricité : un maximum de 4 pêches à l’électricité, d’une durée de 20 minutes, sera réalisé sur une période de 4 jours pour tenter de recapturer les 96 poissons. 2) tests comportementaux : jusqu’à 96 individus seront soumis aux tests et un maximum 32 poissons par jour sera testé pendant 3 jours consécutifs. Les 3 tests s’enchaîneront sur une durée totale de 20 minutes sans arrêt marqué entre chacun. A. test exploratoire : après 2 minutes d’acclimatation dans un abri, ce test de 4 minutes vise à étudier le comportement d’exploration de l’arène inconnue (nage libre). B. test du nouvel objet : ce test de 4 minutes vise à étudier le comportement d’exploration d’un objet auparavant inconnu de l’individu. C. test de thermotaxie : ce test de 10 minutes a pour objectif d’étudier le comportement et les déplacements de l’individu face à une augmentation de la température de l’eau. 3) Mesure du métabolisme : La procédure consiste à mesurer la consommation d’oxygène en chambre respirométrique individuelle grâce à des sondes à oxygène. Les 96 individus pourront être soumis à cette mesure. La chambre est alimentée en eau de bonne qualité physico-chimique. L’alimentation est fermée durant 20 minutes pendant lesquelles la diminution de la concentration en oxygène est mesurée. Les phases de circuits ouvert et fermé de 20 min alterneront durant 3 h.
Quels sont les effets/effets indésirables prévus sur les animaux et la durée de ces effets?
Les nuisances potentielles sur les animaux sont majoritairement liées au stress impliqué par les manipulations (changement de bac, stabulation, transport) et lors des prises de mesures comportementales et métaboliques. Pour le comportement il s’agit d’exposer des individus à des situations inconnues (nouvel environnement ou objet) ou des variations de température dans une arène expérimentale éclairée par rétro-éclairage (sous l’arène) ou éclairage indirect (plafond). Par ailleurs, l’estimation du métabolisme de base requiert l’isolement des poissons dans des chambres métaboliques individuelles, ce qui pourrait induire un stress.
Justifier le sort prévu des animaux à l’issue de la procédure.
Le remise en liberté des poissons issus de l’élevage sur le lieu de l’expérimentation (rivières proches) n’est pas possible car il y a un risque de pollution génétique. Les animaux ne peuvent pas retourner dans l’établissement fournisseur car ils ont été produits et élevés pour les besoins de cette étude et il n’a pas la capacité d’accueil suffisante pour continuer à les maintenir en hébergement.
Application de la règle des "3R"
1. Remplacement
Les œufs et larves de truite se développent sous le gravier pendant environ 80 jours ce qui les expose potentiellement à des variations thermiques défavorables puisque les possibilités de changements volontaires d’habitat sont impossibles à cette phase. L’impact à moyen terme de ces variations durant le développement sous gravier et jusqu’à 30 jours après émergence en eau libre ne peut être estimé que sur des animaux vivants, ayant réalisé une croissance postérieure à la variation thermique. Aucune méthode substitutive telle que le travail sur des lignées cellulaires ou des tissus entiers n’est envisageable pour obtenir de tels résultats, puisque c’est le développement, le comportement individuel (déplacement, exploration, réaction à un stimulus thermique) et le métabolisme (consommation d’oxygène) de l’individu entier au repos qui seront étudiés.
2. Réduction
Le projet vise à tester l’effet d’une programmation thermique (14°C et 16°C) sur la croissance, l’activité d’exploration et le métabolisme des poissons. Le protocole évaluera l’effet de la programmation sur les individus à la fin de la phase embryo-larvaire, puis 30 jours plus tard. Pour cela 32 individus par programmation seront testés. Sur la base de données publiées et à l’aide d’un calculateur de puissance, la taille d’échantillon estimée lors d’une simulation pour détecter une différence de métabolisme de routine entre deux groupes est de 31 individus. Par ailleurs, une synthèse méthodologique publiée récemment indique que les recherches comportementales utilisant des arènes connectées par un couloir nécessitent de tester plus de 20 individus pour optimiser la probabilité de détecter des différences comportementales significatives entre groupes.
3. Raffinement
Acclimatation : Les 96 individus seront transférés de l’écloserie à la rivière expérimentale pour être acclimatés dans des bacs équipés d’abris. Une acclimatation sera observée en circuit semi-ouvert (équilibrage des masses d’eau) puis ouvert. Le lendemain, ils seront déposés dans un bief du chenal au crépuscule, dans une zone abritée. Ils pourront alors se répartir librement et commencer leur nutrition naturelle. Ce chenal est conçu pour une croissance sans alimentation artificielle, grâce à des proies naturelles dérivantes (insectes, zooplancton). L’eau du ruisseau, de bonne qualité physico-chimique, est filtrée, ce qui empêche l’entrée de poissons extérieurs. Le débit est modulable et produit des vitesses et profondeurs caractéristiques des habitats naturels. Le bief d’accueil des poissons abritera une densité similaire à celle des conditions naturelles. Un substrat de galets et graviers est déposé dans les biefs sur une hauteur importante. Des abris constitués de tuiles et de blocs seront installés afin de Réduire la compétition entre individus. Le chenal sera couvert par un filet pour éviter la prédation aviaire et il est bordé d’un brise-vue afin de limiter le stress causé par les observateurs. Un opérateur effectuera une inspection visuelle quotidienne. En cas de mortalité accidentelle, les individus seront extraits du bief pour éviter toute dégradation environnementale (pathogènes, champignons). Points limites lors des tests comportementaux : des signes de stress important entraineront l’arrêt du test et l’isolement du poisson dans un bac afin de suivre sa récupération. Points limites lors des mesures métaboliques : si un individu s’agite dans la chambre plus de quelques secondes, il sera retiré et remplacé par un autre. Si le taux d’oxygène venait à baisser de façon importante l’individu sera retiré de la chambre et replacé en stabulation.
Expliquer le choix des espèces et les stades de développement y afférents.
La truite commune (Salmo trutta L.) est une espèce d’eau froide dont la population étudiée est en limite sud de l’aire de répartition. Connaître ses capacités d’adaptation au changement climatique est important pour sa conservation et pour comprendre son expansion dans les milieux plus au nord, sous l’effet du changement climatique. Cette espèce à forts enjeux économiques, écologiques et culturels est en régression dans son aire sud mais pourrait s’étendre au nord dans les zones arctiques. C’est par ailleurs une espèce modèle en écologie évolutive. L’interprétation des résultats obtenus bénéficiera de l’abondante bibliographie existante bien que cette dernière soit très restreinte sur le maintien des phénotypes sous influence de programmations thermiques au cours du temps et en milieu naturel. Le stade juvénile, à partir de la première nutrition exogène et jusqu’à 30 jours de développement post-nutrition, sera utilisé. Ce stade a été choisi pour permettre aux poissons de débuter une nutrition autonome sur des proies sauvages, tout en évitant qu’ils ne s’habituent à une alimentation artificielle (pellets ou proies vivantes d’élevage). Cela garantit une adaptation immédiate à des conditions de vie sauvage, ce qui présente plusieurs avantages. Le premier est d’éviter aux individus un changement nutritionnel susceptible d’entraîner des conséquences comportementales et physiologiques, telles que l’absence de recherche active de proies ou un métabolisme façonné par une alimentation d’élevage. Ces éléments pourraient biaiser les résultats des tests. Le second avantage est lié aux objectifs du projet, qui consistent à tester la stabilité des phénotypes en conditions naturelles, depuis l’émergence jusqu’à 30 jours de développement. Cette période, extrêmement critique pour les individus, englobe l’établissement de la nutrition exogène, des comportements sociaux et de nage, ainsi que la mise en place des territoires et les premières phases de croissance en eaux libres.