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TA Orléans, jugement n°2100093 du 25/01/2022 (Nicolas Marty c. DDPP45)

Les rapports d’inspection sont communicables « sans autre occultation que celle des mentions permettant l’identification des personnes physiques exerçant leur activité professionnelle au sein des établissements et des inspecteurs ayant effectué ces contrôles ». L’occultation de l’identité des établissements n’est pas justifiée.

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, respectivement enregistrés le 5 janvier 2021 et les 26 janvier, 29 septembre et 29 octobre 2021, M. Nicolas Marty demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision par laquelle la direction départementale de la protection des populations du Loiret (DDPP45) a refusé de fournir le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale du département sans y occulter les noms des établissements ;

2°) d’enjoindre à la DDPP45 de communiquer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale du département, dans lesquels ne seront occultés ni les noms des établissements, ni les dates d’inspection et de rapport, ni les intitulés de la grille d’inspection, ni les niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires, quelle que soit la date de production de ces rapports.

Il soutient que :
– la DDPP45 n’est pas compétente pour décider de ne pas fournir les documents demandés ;
– les documents demandés sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l’occultation éventuelle des mentions relevant des articles L.311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration ;
– le refus implicite de la DDPP45 méconnaît les dispositions des articles L. 300-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration ;
– seuls six rapports d’inspection dans lesquels le nom de l’établissement concerné a été occulté lui ont été adressés, accompagnés d’un courrier électronique indiquant que les rapports de l’année 2020 n’étaient pas inclus de sorte qu’il ne peut être considéré qu’il a été fait droit à sa demande.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2021, la préfète du Loiret conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :
– le contrôle des établissements utilisateurs, éleveurs ou fournisseurs d’animaux utilisés à des fins scientifiques situés dans le Loiret relève des attributions de la DDPP45 dont la compétence territoriale n’est, dès lors, pas contestable ;
– l’occultation dans les rapports transmis des noms des établissements inspectés, qui a été réalisée sur le fondement des dispositions du d) de l’article L. 311-5 et de l’article L. 311-7 du code des relations entre le public et l’administration, est justifiée en raison du risque d’atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes travaillant dans ces établissements du fait des craintes de représailles commises par certaines associations d’activistes pour la protection animale avec lesquelles le requérant entretient des liens étroits ;
– les occultations opérées n’ont pas eu pour effet de priver d’intérêt la communication des rapports litigieux ;
– les rapports de l’année 2020 ont été communiqués à M. Marty le 22 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ; – le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme xxx, vice-présidente, pour statuer sur le litige en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de Mme xxx ;
– et les conclusions de Mme xxx, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 mai 2020, M. Marty a saisi les services de la préfecture du Loiret d’une demande tendant à la communication du dernier rapport d’inspection établi pour chacun des établissements d’expérimentation animale situés sur le territoire du département ainsi que des dates des inspections précédentes. Le préfet n’ayant pas donné suite à sa demande, M. Marty a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs qui a émis, le 29 octobre 2020, un avis favorable à la communication des rapports d’inspection sous les réserves prévues aux articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration. La commission s’est, par ailleurs, déclarée incompétente pour se prononcer sur le second volet de la demande de M. Marty portant sur la communication des dates des inspections précédentes, laquelle s’analyse en une simple demande de renseignements. M. Marty ayant, à la suite de la réception de cet avis, réitéré sa demande de communication par courriel du 1er décembre 2020, le préfet du Loiret lui a finalement communiqué, le 5 janvier 2021, six rapports d’inspection, correspondant au rapport le plus récent établi pour chacun des établissements contrôlés, après avoir occulté un certain nombre d’informations y figurant, et notamment, leur dénomination et leurs coordonnées ainsi que les mentions relatives aux personnes et des extraits de commentaires ayant un lien avec les projets scientifiques et expérimentaux. Par courrier du 22 octobre 2021, la préfète du Loiret a transmis à M. Marty les rapports établis en 2020 pour les deux derniers établissements du département comportant les mêmes occultations. Dans le dernier état de ses écritures, M. Marty demande l’annulation du refus de la préfète du Loiret de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale du département sans y occulter les noms des établissements.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ». Aux termes de l’article L. 311-5 de ce code : « Ne sont pas communicables : (…) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (…) / d) A la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations ; / (…) ». Selon l’article L. 311-6 du même code : « Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ; / (…) /3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice (…) ». Enfin, l’article L. 311-7 de ce code dispose : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ».

3. La préfète du Loiret soutient que la communication des rapports litigieux sans occultation des noms des établissements inspectés est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes au sens du d) du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration en raison des risques importants de représailles à l’encontre d’établissements réalisant des expérimentations animales ou de personnes y travaillant, de la part de certaines associations d’activistes pour la protection animale avec lesquelles M. Marty entretient des liens étroits. Toutefois, en se bornant à faire état d’éléments généraux qui soit concernent d’autres départements, soit se rapportent à des actions sans lien avec les expérimentations menées sur les animaux, la préfète du Loiret ne caractérise pas, en l’espèce, l’existence d’une menace avérée pour la sécurité des locaux et des biens ainsi que pour celle des personnes physiques y exerçant une activité professionnelle en cas de divulgation, notamment, de l’identité des établissements en cause et de leur lieu d’implantation.

4. En revanche, les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans des établissements qui accueillent des expérimentations sur les animaux ainsi que le ou les rédacteurs des rapports de contrôle dont la communication est sollicitée ont droit à la protection de leur vie privée. Par suite, en occultant l’identification de ces personnes sur le fondement de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, la préfète du Loiret n’a pas entaché la décision attaquée d’illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen de la requête, que M. Marty est seulement fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle la préfète du Loiret, statuant sur sa demande de communication du dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale du département, lui a transmis copies de huit rapports d’inspection en occultant des mentions autres que celles mentionnées au point 4 du présent jugement.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

6. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution ». Aux termes de l’article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l’injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d’une astreinte qu’elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d’effet ».

7. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé que l’exécution du présent jugement implique nécessairement que la préfète du Loiret communique à M. Marty une version des huit rapports d’inspection établis les 21 juillet 2016, 16 et 18 novembre 2016, 8 février 2017, 2 août 2017, 5 septembre 2018, 21 et 22 octobre 2021 sans autre occultation que celle des mentions permettant l’identification des personnes physiques exerçant leur activité professionnelle au sein des établissements et des inspecteurs ayant effectué ces contrôles. Il y a, dès lors, lieu d’ordonner à la préfète de procéder à ces diligences dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

D E C I D E :

Article 1er : La décision par laquelle la préfète du Loiret a communiqué à M. Marty le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale du département en occultant des mentions autres que celles permettant l’identification des personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans ces établissements ainsi que des rédacteurs des rapports de contrôle, est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Loiret de communiquer à M. Marty, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, une version des huit rapports d’inspection établis les 21 juillet 2016, 16 et 18 novembre 2016, 8 février 2017, 2 août 2017, 5 septembre 2018, 21 et 22 octobre 2021 sans autre occultation que celle des mentions permettant l’identification des personnes physiques exerçant leur activité professionnelle au sein des établissements et des inspecteurs ayant effectué ces contrôles.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Loiret.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2022.