Connaissances et opinion publique (questionnaire 2020)

Cette page contient un aperçu des résultats d’un questionnaire diffusé en ligne au printemps 2020, concernant les opinions et les connaissances du public sur l’expérimentation animale. Des liens sont fournis vers les articles plus détaillés pour approfondir chaque point.

EN BREF – L'opinion du public dépend notamment des souffrances infligées aux animaux et du but des recherches. Le public sait globalement peu de choses sur l'expérimentation animale, même parmi les données publiques (nombre d'animaux utilisés chaque année en France, différentes applications de l'expérimentation animale), la législation actuelle (cosmétiques) ou les définitions de base (recherche fondamentale, 3R). Beaucoup de personnes pensent que l'expérimentation animale dans son ensemble n'est pas fiable pour prédire quoi que ce soit chez l'espèce humaine, et que des méthodes substitutives sont déjà disponibles pour la totalité des expériences réalisées sur les animaux. Les personnes opposées à l'expérimentation animale ont souvent conscience d'acheter et d'utiliser au quotidien des produits qui ont impliqué des expérimentations animales. Elles continuent de le faire faute d'information, mais aussi faute d'alternatives (dans le cas des médicaments).

Que pense le public ?

  • Une revue partielle de la littérature à ce sujet a été publiée sur le Guide sceptique du véganisme (site disparu) puis republiée ici.
  • Ici, une grande majorité de l’échantillon, qu’il s’agisse des végés ou des non-végés, est plutôt opposée à l’expérimentation animale. Une majorité y est même tout à fait opposée. Par contraste, très peu de personnes se décrivent tout à fait favorables à l’expérimentation animale, même parmi les personnes qui la pratiquent, l’opinion dépendant la plupart du temps des souffrances infligées aux animaux (surtout pour les personnes opposées) et du but recherché (surtout pour les personnes ayant un avis nuancé), mais peut-être également d’autres raisons qui n’ont pas été exprimées explicitement. Notamment, on remarque que pour plusieurs questions de connaissances, les personnes mitigées étaient celles qui se trompaient ou affirmaient ne pas savoir le plus souvent.

(article détaillé : Que pense le public de l'expérimentation animale ?)

Que sait le public ?

  • Très peu de répondant·es ont su donner le nombre d’animaux utilisés chaque année en France, et à l’exception des souris et des rat·es, une proportion variable de personnes semblait n’être pas sûre que les autres espèces soient utilisées, voire avait tendance à penser qu’elles ne l’étaient pas – même pour les chat·tes et les chien·nes, pourtant largement mises en avant depuis le 19e siècle par les associations qui luttent contre l’expérimentation animale.
  • La définition de la recherche fondamentale est loin d’être évidente, en particulier pour les personnes opposées à l’expérimentation animale, alors qu’il s’agit d’un des domaines qui utilisent le plus d’animaux chaque année. Les 3R, de même, semblent très peu connus : que ce soient des personnes opposées ou des personnes favorables à l’expérimentation animale, très peu de répondant·es ont su dire à quel mot se référait chacun des 3R, une grande majorité ayant même répondu ne pas savoir du tout.
  • Parmi les applications de l’expérimentation animale, presque personne n’a mentionné au moins une application de chacun des trois domaines principaux (recherche biomédicale, toxicologie et recherche fondamentale), la recherche biomédicale étant beaucoup plus souvent mentionnée que les autres, ce qui est intéressant du point de vue des représentations de l’expérimentation animale au sein du public.
  • Parmi les méthodes alternatives, presque personne n’a mentionné au moins une méthode de chacun des trois grands domaines que sont l’in vitro, l’in silico et l’in humano, les méthodes in vitro étant mentionnée bien plus souvent que les autres et avec une plus grande variété de méthodes spécifiques. Il est difficile de dire à quel point les répondant·es connaissaient et comprenaient les méthodes qu’iels mentionnaient au-delà de leur simple dénomination.
  • Encore beaucoup de personnes pensent que la transposition vers l'espèce humaine des résultats obtenus par des expériences sur des animaux est impossible. Cela est probablement dû à la généralisation largement pratiquée par certaines associations qui luttent contre l’expérimentation animale en s’attaquant notamment à la prédictivité décevante des modèles animaux utilisés en toxicologie ou au bilan tout aussi décevant des recherches sur des maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer. Cette question est particulièrement complexe et ne devrait pas faire l’objet de généralisations si le but est d’informer le public.
  • Encore beaucoup de personnes pensent que le Remplacement de toutes les expériences sur des animaux par des méthodes alternatives est d’ores et déjà possible, alors que même en supposant que l’on utilise des personnes humain·es pour les remplacer, il y aura toujours la possibilité d’expériences sur les animaux qui n’impliquent pas d’applications chez l’être humain, et la possibilité d’expériences destinées à la médecine vétérinaire. Cela ne veut pas dire que l’expérimentation animale ne peut pas être arrêtée, mais que, au même titre que l’interdiction de réaliser des expériences sur des personnes humains non consentantes, arrêter totalement l’expérimentation animale implique, dans certains domaines, d’accepter de se priver d’un certain nombre de possibilités ou d’imaginer d’autres voies de recherche.
  • En ce qui concerne les cosmétiques, alors que la quasi-totalité des répondant·es savaient pouvoir trouver en magasin des produits de marques pratiquant des tests sur les animaux, la loi européenne sur les tests de cosmétiques finis et d’ingrédients de cosmétiques n’était manifestement pas claire pour de nombreuses personnes. Il faut dire que son interaction avec les lois d’autres pays et avec la réglementation REACH n’aide pas à bien en saisir la portée, et que les seules tentatives de le faire viennent des associations qui tentent de mettre en place des certifications pour aider à informer le public.

(article détaillé : Que sait le public de l'expérimentation animale ?)

Que pense savoir le public ?

  • Les végés se jugent en moyenne plus connaisseurs et connaisseuses que les non-végés et ont eu des scores légèrement plus élevés que les non-végés. Les personnes ayant des avis nuancés ont eu des scores légèrement plus élevés que les personnes radicalement opposées.
  • Mais les scores ont été bas en général : 75% des personnes ont eu un score général inférieur à 48/100. Les personnes (en particulier celles ayant obtenu les scores les plus bas) se sont généralement surestimées – et plusieurs s'en sont rendues compte pendant le questionnaire.

(article détaillé : Connaissances estimées et connaissances réelles sur l'expérimentation animale)

Que fait le public ?

  • Le manque de connaissances et d’informations semble être l’une des deux raisons principales pour lesquelles des personnes pourtant opposées à l’expérimentation animale continuent d’acheter et d’utiliser des produits impliquant des tests sur les animaux.
  • La deuxième raison exprimée ici est le besoin de se soigner avec des traitements et des médicaments mis au point et testés sur des animaux.
  • On peut généraliser ces difficultés, dans la société actuelle, à l’usage de toutes les technologies et de tous les éléments de confort que nous connaissons, pour lesquels les lois impliquent souvent l’utilisation d’animaux, ce qui ne signifie pas pour autant que l’expérimentation animale soit nécessaire au maintien du confort quotidien et des nouvelles technologies, ni à la poursuite des recherches biomédicales.

(article détaillé : Les pratiques quotidiennes vis-à-vis de l'expérimentation animale)

À propos du questionnaire

Ce questionnaire est parti de l’idée d’évaluer ce qui justifie divers positionnements sur l’expérimentation animale, notamment de la part de personnes antispécistes. Il a été conçu en janvier 2020, testé et relu par des personnes du Projet Méduses pour ajuster et ajouter certaines questions (merci à elles), avant d’être lancé publiquement le 19 février. Entre le 19 février et le 24 mars 2020, 436 personnes ont répondu en ligne. Une partie des participations a donc eu lieu en période de pandémie, ce qui a pu influencer les réponses.

Le questionnaire aurait profité d’une revue de la littérature plus systématique avant sa mise en place, comme en témoigne d’ailleurs la présence de questions qui auraient pu être mieux formulées pour obtenir des résultats plus pertinents ou approfondir certains résultats obtenus par des enquêtes précédentes. Malheureusement, je n’ai mené à bien cette revue de manière systématique qu’après l’analyse des résultats, dans la perspective d’informer le contexte, les interprétations et la discussion. Une revue partielle de la littérature est disponible sur le Guide sceptique du véganisme. Elle se résume assez simplement en disant que les résultats des sondages sont très variables selon la formulation des questions, mais s’accordent sur le fait que l’opinion publique de l’expérimentation animale varie selon quelques variables sociodémographiques, mais aussi selon le but des recherches, l’espèce utilisée, la souffrance infligée aux animaux et la disponibilité d’alternatives à l’utilisation d’animaux. Quant aux connaissances du public sur l’expérimentation animale, elles semblent avoir été très peu étudiées, le point principal en étant que le public se sent mal informé.

Sans le bénéfice de cette revue de la littérature, je suis donc parti d’une seule hypothèse : celle d’une différence de connaissances entre les végés et les non-végés, et entre les personnes selon leur position sur l’expérimentation animale. Une personne était classée dans le groupe « végés » si elle avait répondu être végétarienne, végétalienne ou végane, sans que ne soient vérifiées ses consommations de chaque produit d’origine animale. Il est donc possible que cette catégorie contienne des personnes consommant certains de ces produit, mais le regroupement semblait nécessaire pour avoir des groupes assez larges pour permettre les analyses. La supposition était que cette différence pourrait être variable selon les questions – les végés et les personnes opposé·es à l’expérimentation animale pouvant être mieux informé·es sur certains points, et moins bien sur d’autres, du fait d’une surexposition plus ou moins volontaire à des sources d’information liées à un biais de confirmation.

À propos des analyses statistiques

Les facteurs d’intérêt retenus pour les analyses étaient la distinction végés/non-végés et la position sur l’expérimentation animale. Certaines variables sociodémographiques pouvaient avoir une influence sur les variables observées tout en étant corrélées aux facteurs d’intérêt, eux-mêmes corrélés entre eux. De plus, les conditions n’étaient pas réunies pour des analyses paramétriques qui auraient permis des ajustements sur ces variables sociodémographiques et une modélisation de l’influence de chaque variable. La significativité statistique de chaque différence notable (indiquée par les p-values entre crochets dans le texte) a donc été évaluée grâce à des tests de comparaisons multiples (Kruskal-Wallis) et à des tests de χ², avant et après matching par propensity score du facteur d’intérêt avec les variables de confusion. Les matchings ont permis de constituer des groupes de population comparables, pour un résultat supposé plus valide. En l’occurrence, dans la mesure où les végés et les personnes radicalement opposées à l’expérimentation animale constituaient une majorité avec une orientation particulière, les matchings ont été réalisés sur la base de la répartition des non-végés (pour la variable végés/non-végés) en prenant en compte les tranches d’âge, le genre et l’emploi (variables de confusion pour le facteur végés/non-végés), et sur la base de la répartition des personnes n’étant pas radicalement opposées à l’expérimentation animale (pour la variable positionnement), en prenant en compte les tranches d’âge, le genre et la taille de la ville de résidence (variables confondantes pour le facteur positionnement). D’autres matchings ont été réalisés spécifiquement pour certains résultats qui impliquaient d’autres variables de confusion.

Le seuil de significativité a été fixé à p < .05, et seuls sont indiqués dans le texte les p-values après matching. Ces valeurs p, indiquées entre crochets, doivent être prises pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des indices qui ne permettent pas de conclure de manière définitive à une différence entre les groupes, mais qui suggèrent qu’un travail plus approfondi, guidé par des hypothèses inspirées par ces premiers résultats, pourrait être intéressant – d’autant que les codages et les analyses ont été réalisées ici par une seule personne : moi-même (même si j’ai reçu une aide indispensable de la part du Pôle Analyse du Projet Méduses, pour élaborer les analyses, il n’est en aucun cas responsable des erreurs éventuelles de calcul ou d’interprétation). Les valeurs p < .05 restent particulièrement faibles quand il s’agit de conclure, notamment parce que ces valeurs pouvaient varier selon le matching utilisé. Même en choisissant le matching qui semblait le plus approprié, il est possible que ces valeurs en particulier ne soient pas particulièrement robustes. Lorsqu’une p-value est associée à plusieurs comparaisons dans le texte, elle indique que les différences entre les groupes pris deux à deux sont significatives, sans aller dans le détail des comparaisons individuelles pour éviter de surcharger le texte. Les graphiques inclus sont stratifiés selon les variables d’intérêt uniquement lorsque celles-ci ont une influence significative sur le résultat ou que la comparaison est faite dans le texte avec des graphiques pour lesquelles il existe une telle influence. Pour le détail des matchings et des analyses, se référer au script R.