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Le choix des mots

Le vocabulaire de l’expérimentation animale varie largement selon la position des personnes qui l’emploient, ce qui crée parfois des confusions. Parle-t-on bien de la même chose ? Quel cadrage du sujet les mots utilisés induisent-ils ?

Sans prétendre à l’exhaustivité, le glossaire ci-dessous peut aider à mieux se repérer dans le vocabulaire de base. Vous retrouverez ces définitions dans l’ensemble du site en passant la souris sur les mots soulignés.

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alternatives

Lorsqu’on parle d’alternatives ou de méthodes de substitution, on met en avant l’expérimentation animale comme une norme existante qui ne pourrait être arrêtée que si chacune de ses pratiques était remplacée par une méthode équivalente sans animaux. L’appellation NAMs (pour « nouvelles approches méthodologiques » ou « non animal methods » – « méthodes non animales ») est plus orientée vers la qualité des méthodes de recherches sans animaux plutôt que vers leur seule qualité de Remplacement d’un type de tests ou d’expériences.

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expérimentation animale

Le terme « expérimentation animale » a été employé au cours du 20e siècle et encore largement répandu aujourd’hui au sein du public pour parler de toutes les utilisations des animaux qui impliquent de les faire souffrir dans le cadre de recherches ou de tests. Il n’est ni complaisant, ni concentré sur les pratiques impliquant les plus grandes souffrances, et me semble donc être l’expression la plus adaptée pour parler factuellement au public.

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recherche animale

Le terme « recherche animale » est utilisé depuis le début des années 2010 par le Gircor (groupe interprofessionnel / lobby français de l’expérimentation animale), qui l’a repris au monde anglo-saxon pour tenter de produire chez le grand public une représentation moins négative de ces pratiques. (Balansard 2018)

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recours aux animaux à des fins scientifiques et réglementaires

Le terme « recours aux animaux à des fins scientifiques et réglementaires » a été introduit par le Gircor (groupe interprofessionnel / lobby français de l’expérimentation animale) en 2021 avec la « charte de transparence » de l’expérimentation animale. Ce terme, très descriptif (à l’exception du mot « recours » qui est plein de connotations de « nécessité »), a manifestement été élaboré dans le but d’orienter l’avis du public en faveur de l’expérimentation animale.

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utilisation des animaux à des fins scientifiques

Le terme « utilisation des animaux à des fins scientifiques » est inscrit dans la réglementation française pour désigner les pratiques d’expérimentation animale, définies comme toute utilisation scientifique, expérimentale ou éducative susceptible de causer à l’animal « une douleur, une souffrance, une angoisse ou des dommages durables équivalents ou supérieurs à ceux causés par l’introduction d’une aiguille effectuée conformément aux bonnes pratiques vétérinaires ». (Code Rural 2013)

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vivisection

Le terme « vivisection » a été employé à partir du 19e siècle pour désigner l’utilisation des animaux pour les recherches en physiologie et en médecine (« la vivisection »), ou toutes les expériences et dissections réalisées dans un but scientifique (« les vivisections ») (Bory 2013). Aujourd’hui, ce terme est utilisé par des groupes et des personnes opposées à l’expérimentation animale, même s’il ne rend pas bien compte de la diversité de l’expérimentation animale, entre les « simples » prises de sang et les pratiques génératrices de souffrances importantes.

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compartiment

Le terme « compartiment » est utilisé dans la réglementation pour désigner les cages, box, boitesvolières et autres lieux de détention des animaux. (Arrêté réglementaire 2013)

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détention

Quel que soit le mot utilisé (détention, hébergement, emprisonnement, captivité…), les animaux sont détenus contre leur volonté dans des conditions définies par des normes réglementaires minimales censées garantir un minimum de « bien-être » et un contrôle des paramètres environnementaux (température, humidité…) conçu pour éviter des variations problématiques en termes de validité des résultats des expériences. (Arrêté réglementaire 2013)

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enrichissement

L’enrichissement du milieu de vie consiste à y insérer des équipements permettant aux animaux d’exprimer des comportements naturels de leur espèce. Cela peut être de la litière compactée ou des bouts de carton, mais aussi des tunnels, des plateformes, des outils permettant de rendre l’accès à la nourriture plus « ludique », etc. En revanche, « enrichissement » ne veut pas dire que le milieu de détention des animaux est « riche », mais qu’il est moins pauvre en possibilités qu’une simple boite vide. Par comparaison avec les milieux de vie en liberté des espèces utilisées, les lieux de détention sont plutôt « appauvris ».

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gravité

La réglementation distingue quatre degrés de gravité des procédures : légères (anesthésie, prise de sang, imagerie non invasive…), modérées (chirurgie sous anesthésie, tumeurs, études de toxicité n’allant pas jusqu’à la mort…), sévères (essais de toxicité allant jusqu’à la mort, irradiation à doses létales, induction de maladies et autres troubles graves, chocs électriques inévitables…), et sans réveil (procédures sous anesthésie au cours desquelles l’animal est tué avant de se réveiller). (Arrêté réglementaire 2013)

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mise à mort

Le mot « euthanasie » (utilisé parfois par les chercheurs et chercheuses) suppose que la mort est la meilleure solution pour l’animal, mais dans les rares situation où cela est vrai, ce n’est le cas que parce qu’on a choisi de le mettre dans cette position. Le mot « sacrifice » résonne avec l’utilisation de mots comme « prélèvement » (par les chasseurs) pour éviter de désigner l’acte de tuer pour ce qu’il est, en mettant l’accent sur son but implicite. Je préfère nettement pour ma part parler explicitement de « mise à mort » (terme réglementaire) ou d’ « abattage« , termes beaucoup plus factuels.

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procédure

On peut parler d’ « expériences » pour désigner toutes les utilisations d’animaux en laboratoire, mais on peut aussi faire la distinction entre les « procédures » expérimentales (dans le cadre de recherches) et les « essais » expérimentaux (c’est-à-dire les « tests » de toxicités ou d’efficacité, notamment – le mot « essai » est aussi utilisé pour parler des « essais cliniques » sur les personnes humaines, arrivant plus tard dans le processus de mise sur le marché des produits).

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3R

Les 3R (Remplacement, Réduction, Raffinement) sont des principes de bonnes pratiques édictés par William Russell (zoologue et sociologue) et Rex Burch (microbiologiste) en 1959. Alors qu’ils sont souvent utilisés par les milieux de l’expérimentation animale (notamment l’Inserm) pour dire implicitement que le statu quo est suffisant et répond à l’éthique, une littérature grandissante remet en question leur pertinence et leur valeur (Lawereyns 2018, DeGrazia & Beauchamp 2019, Müller 2023), soulignant notamment l’absence de cadre éthique normatif et de définition claire (Louis-Maerten et al. 2024).

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bien-être

L’expression « bien-être animal » a été introduite dans les années 1920 et s’est répandue dans les années 1960 et 1970 pour désigner globalement des conditions minimales accordées aux animaux pour leur éviter des souffrances pouvant être évitées sans trop d’investissement économique et pragmatique (Haynes 2008). L’utilisation de cette expression est très variable aujourd’hui, de l’intention de prendre en compte de manière équitable les intérêts des animaux au joker permettant de clore le débat de fond.

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CEEA

En France, les comités d’éthique en expérimentation animale sont les « autorités compétentes » désignées par le ministère de la Recherche pour l’évaluation des projets d’utilisation d’animaux. Alors qu’ils sont censés garantir l’indépendance et l’impartialité de leurs décisions, ils sont composés majoritairement de membres du personnel des établissements dont les projets sont évalués et ont fonctionné sans agrément ministériel de 2013 à 2022 (Le Monde 2024).

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Raffinement

Le Raffinement est le dernier des 3R (Remplacer, Réduire, Raffiner), qui consiste à utiliser les méthodes de procédure et de détention les moins stressantes et les moins douloureuses possibles pour les animaux à condition que cela ne compromette pas l’objectif du projet de recherches. Cela peut être l’utilisation d’une méthode peu invasive à la place d’une chirurgie, l’installation de systèmes de prélèvement automatique sur les animaux ou l’habituation des animaux aux manipulations. (FC3R)

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Réduction

La Réduction est le deuxième des 3R (Remplacer, Réduire, Raffiner), qui consiste à Réduire le nombre d’animaux utilisés dans un projet sans compromettre la validité statistique des résultats obtenus. Cela se fait notamment grâce à l’utilisation de tests de puissance statistique, qui permettent de déterminer à partir de combien d’animaux le résultat observé pourra être considéré comme valable (FC3R). Ce principe ne s’applique qu’à l’échelle d’un projet et ne cherche pas à Réduire le nombre total d’animaux utilisés, qui stagne depuis les années 2000.

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Remplacement

Le Remplacement est le premier des 3R (Remplacer, Réduire, Raffiner), qui consiste à Remplacer les animaux par des méthodes de recherche non-animales, parfois appelées méthodes alternatives ou méthodes de substitution et parfois étendues à l’utilisation d’animaux jugés « moins sensibles au stress et à la douleur » (FC3R). Il trouve ses limites notamment dans le fait que de nouvelles manières d’utiliser les animaux apparaissent régulièrement et que rien n’oblige qui que ce soit à développer de nouvelles méthodes de recherche sans animaux.

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SBEA

Les « structures chargées du bien-être animal » sont des structures internes aux établissements, composées de quelques membres du personnel et du ou de la vétérinaire désignée, censées se réunir plusieurs fois par an pour parler des projets en cours et des normes de détention des animaux afin de donner des conseils à l’établissement pour améliorer les pratiques. D’après ce qu’en disent les rapports d’inspection, les pratiques sont très variables, de l’absence de réunions à des réunions mensuelles, en passant par l’absence de recommandations ou par l’absence de suivi des recommandations.

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antispécisme

Le spécisme est la discrimination d’individus sur la base de caractéristiques attribuées (à tort ou à raison) à leur espèce dans son entier, mais n’ayant aucun lien logique avec les différences de traitement qu’elles sont censées justifier. Par exemple, le fait que les poules ne sont pas capables d’écrire des ouvrages de philosophie n’a rien à voir avec notre droit à les séquestrer dans des cages ou à les tuer. Le rejet du spécisme fait globalement consensus au sein des spécialistes de philosophie morale (Déclaration de Montréal, 2022).

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déontologisme

Le déontologisme est un courant de la philosophie morale qui pose des principes moraux sur la base de devoirs fondamentaux à respecter, comme le fait de ne pas nuire à autrui. Dans ce cadre, certaines actions sont bonnes ou mauvaises en fonction du respect des droits et devoirs établis. Dans le domaine de l’éthique animale, l’un des représentants majeurs de ce courant est Tom Regan avec sa perspective sur Les droits des animaux (1983 / traduit en français en 2013).

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philosophie morale

La philosophie morale regroupe la méta-éthique (qui réfléchit notamment à la nature et à la signification des concepts de l’éthique), l’éthique normative (qui cherche à définir ce qui fait qu’une action est bonne ou mauvaise, souhaitable ou non, juste ou non), et l’éthique appliquée (qui s’intéresse à des problèmes spécifiques, tels que la recherche ou les relations aux animaux). (Canto-Sperber & Ogien 2017)

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sentience

La sentience est la capacité d’un animal à éprouver subjectivement des expériences positives et négatives. On parle aussi de conscience phénoménale. La sentience de tous les vertébrés (mammifères, oiseaux, poissons, amphibiens et reptiles) et d’une partie des invertébrés (décapodes, céphalopodes et insectes) est relativement bien établie (Déclaration de New-York, 2024). Le sentientisme affirme que tous les intérêts ou les droits de chaque être sentient impacté par une action doivent être pris en compte pour évaluer la moralité de cette action.

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utilitarisme

L’utilitarisme est un courant conséquentialiste de la philosophie morale, c’est-à-dire qu’il juge la moralité des actions sur la base de leurs conséquences, en l’occurrence à l’aune de l’impact des actions sur le plaisir et/ou la souffrance globale, évaluées de diverses manières. Dans le domaine de l’éthique animale, l’un des représentants majeurs de ce courant est Peter Singer avec ses propos sur La libération animale (1975, avec une traduction française en 1993 et une nouvelle édition mise à jour en 2023).

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