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TA Paris, jugement n°2219560 du 08/02/2024 (Transcience c. ministère de la Recherche)

L’autorisation d’un projet d’expérimentation animale est annulée car le comité d’éthique qui a évalué et approuvé le projet n’était pas agréé au moment de l’évaluation. La cour administrative d’appel, saisie par le ministère de la Recherche, a confirmé cette décision. Neuf autres décisions rendues le même jour annulent neuf autres projets pour la même raison, aucun comité d’éthique en expérimentation animale n’ayant été agréé avant 2022 — ce qui suggère pour Le Monde que « plus de 20 000 projets (…) ont été autorisés en France, depuis 2013, (…) en dehors du cadre réglementaire ».

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 septembre 2022, 30 août et 19 octobre 2023 et 17 janvier 2024, l’association Transcience, représentée par Me Monpion, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision implicite rejetant la demande d’abrogation de 18 autorisations administratives de projets utilisant des animaux correspondant aux résumés non-techniques publiés sur le site ALURES, en tant qu’elle refuse d’abroger l’autorisation délivrée au projet correspondant au Résumé non technique NTS 012901 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– ses conclusions sont recevables ;

– la décision litigieuse est entachée d’incompétence dès lors que l’évaluation éthique du projet a été réalisée par un comité d’éthique en expérimentation animale non agréé, qui était autorité compétente déléguée au sens de la directive du 22 septembre 2010 ;

– cette absence d’agrément entache d’irrégularité l’autorisation accordée et ce vice n’est pas régularisable au sens de la jurisprudence  » Danthony « , le comité ne remplissait pas avant son agrément les conditions de compétences, d’indépendance, d’impartialité et de fonctionnement prévues par l’article 38 de la directive du 22 septembre 2010 et les articles R. 214-117 et R. 214-118 du code rural et de la pêche maritime ;

– la composition du comité méconnaît l’article R. 214-118 du code rural et de la pêche maritime et le principe d’impartialité ;

– il n’est pas établi que le comité d’éthique disposait de l’ensemble des éléments prévus par l’article 38 de la directive du 22 septembre 2010 pour se prononcer, ni que la ministre se serait assurée qu’il en disposait bien ;

– le comité d’éthique s’est mépris s’agissant de la justification scientifique du projet ;

– il n’est pas justifié de la mise en œuvre des principes de Remplacement, de Réduction et de Raffinement prévus par les articles 4, 13 et 14 de la directive du 22 septembre 2010 et R. 214-106, R. 214-108, R. 214-109 et R. 214-119 du code rural et de la pêche maritime ;

– il n’est pas non plus défini de point-limite, ainsi que prévu par les articles 13 de la directive et R. 214-107 du code rural et de la pêche maritime et aucune indication n’est fournie sur la méthode de mise à mort, ainsi que prévu par les articles 6 de la directive et R. 214-98 du code rural et de la pêche maritime ;

– la présence d’un vétérinaire tout au long de la procédure n’est pas prévue, en méconnaissance des articles 25 et 16 de la directive et R. 214-102 et R. 214-110 du code rural et de la pêche maritime ;

– il n’est pas non plus prévu de modalités de formation et d’acquisition des compétences, prévues par les articles 23 de la directive, R. 214-101 du code rural et de la pêche maritime et 1er de l’arrêté du 1er février 2013 ;

– les modalités d’achèvement de la procédure, qui doivent être prévues conformément aux articles 17 de la directive et R. 214-110 du code rural et de la pêche maritime, ne figurent pas dans le projet.

Par des mémoires en défense enregistrés les 30 juin et 6 octobre 2023, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

– la requête est irrecevable dès lors que :

– des conclusions tendant à titre principal à l’abrogation d’une décision sont irrecevables devant le juge de l’excès de pouvoir ;

– les conclusions à fin d’annulation, formées pour la première fois dans le mémoire enregistré le 30 août 2023, sont tardives ;

– les dispositions de l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration faisaient obstacle à ce qu’elle procède à l’abrogation de la décision litigieuse, la requête ayant été formée plus de quatre mois après l’édiction de celle-ci ;

– elle n’avait pas à faire usage de la faculté d’abrogation que lui offre l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration ;

– les moyens soulevés par l’association Transcience ne sont en tout état de cause pas fondés.

En application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que le jugement est susceptible d’être fondé sur un moyen qui, étant d’ordre public, doit être soulevé d’office et tiré de ce qu’aux termes de l’article R. 214-123 du code rural et de la pêche maritime :  » L’autorisation ne peut être accordée à un projet que s’il a fait l’objet d’une évaluation éthique favorable.  » Il en résulte que le comité d’éthique en expérimentation animale compétent n’ayant pas été agréé à la date de la décision attaquée, cette dernière, qui devait recueillir son avis conforme, est entachée d’incompétence.

Par un mémoire enregistré le 24 janvier 2024, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche fait valoir que le moyen d’ordre public n’est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la directive 2010/63/UE du Parlement et du Conseil du 22 septembre 2010 ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code rural et de la pêche maritime ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. B,

– les conclusions de M. Grandillon, rapporteur public,

– et les observations de Mme A, pour l’association Transcience et de MM. Hée et Pinon, pour la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

L’association Transcience a produit une note en délibéré, enregistrée le 29 janvier 2024.

La ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a produit une note en délibéré, enregistrée le 02 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 avril 2022, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a accordé au projet correspondant au résumé non technique référencé NTS 012901 l’autorisation d’utiliser des animaux vivants à des fins scientifiques, prévue à l’article R. 214-122 du code rural et de la pêche maritime. Ce résumé non technique a été publié sur le site ALURES le 29 mars 2022. Par un courrier du 20 mai 2022, reçu le 23 mai 2022, l’association Transcience a demandé à la ministre d’abroger cette autorisation. En l’absence de réponse, il est né une décision implicite de refus le 23 juillet 2022, dont la requérante demande l’annulation.

Sur le périmètre du litige :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 410-1 du code des relations entre le public et l’administration :  » Pour l’application du présent titre, on entend par : / 1° Recours administratif : la réclamation adressée à l’administration en vue de régler un différend né d’une décision administrative ; / 2° Recours gracieux : le recours administratif adressé à l’administration qui a pris la décision contestée ;  » et l’article L. 411-2 du même code dispose que :  » Toute décision administrative peut faire l’objet, dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, d’un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai.  »

3. La demande d’abrogation formée le 20 mai 2022, bien qu’elle n’ait pas été libellée comme une demande de retrait de l’autorisation accordée le 7 avril 2022, constitue un recours gracieux au sens des dispositions précitées du code des relations entre le public et l’administration dès lors qu’elle tendait à sa sortie de l’ordonnancement juridique et qu’elle a été formée dans le délai de recours contentieux à son encontre.

4. En deuxième lieu, bien que les conclusions de la requête introductive d’instance mentionnent une demande d’abrogation de la décision implicite de rejet du recours gracieux du 20 mai 2022, l’association Transcience fait valoir qu’elle a en réalité entendu en demander l’annulation, ainsi qu’il ressort des moyens qu’elle soulevait dès l’introduction de l’instance et de l’ensemble de son argumentation. Il y a lieu de regarder ces conclusions comme tendant dès l’origine à l’annulation de la décision implicite de rejet du recours du 20 mai 2022.

5. En troisième lieu, il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

6. Il résulte de ces principes que les conclusions principales de l’association Transcience tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet du recours gracieux du 20 mai 2022 doivent être regardées comme tendant à l’annulation de l’autorisation accordée le 7 avril 2022 d’utiliser des animaux vivants à des fins scientifiques pour le projet correspondant au résumé non technique référencé NTS 012901, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la recevabilité :

7. En premier lieu, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il y a lieu de regarder les conclusions formées par l’association Transcience comme tendant dès l’origine à l’annulation de l’autorisation accordée le 7 avril 2022, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. La fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité devant le juge de l’excès de pouvoir de conclusions principales à fin d’abrogation doit, par suite, être écartée.

8. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative :  » La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.  » Le résumé non technique permettant à la requérante d’avoir connaissance de l’existence de la décision litigieuse a été publié le 29 mars 2022 et le délai de recours à son encontre a expiré le 1er juin 2022, le 30 mai étant un samedi. Il en résulte que, en application de l’article L. 411-2 précité du code des relations entre le public et l’administration, le recours gracieux du 20 mai 2022, réceptionné le 23 mai alors que le délai de recours contentieux n’était pas expiré, a interrompu celui-ci. Une décision implicite de rejet est née le 23 juillet 2022. Il en résulte que les conclusions formées le 20 septembre 2022 qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, doivent être regardées comme tendant dès l’origine à l’annulation de l’autorisation délivrée le 7 avril 2022, l’ont été dans le recours contentieux de deux mois et ne sont donc pas tardives.

9. En troisième lieu, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le recours gracieux du 20 mai 2022 ne tendait qu’à demander à l’administration de reconsidérer sa position quant à la décision du 7 avril 2022 et a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux à l’encontre de celle-ci. Par suite, le moyen soulevé par la ministre tiré de ce qu’il ne lui était plus loisible d’abroger la décision en cause à la date d’introduction de la requête en raison de l’expiration du délai de quatre mois prévu par les dispositions de l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration, est sans incidence quant à la recevabilité des conclusions présentées devant le juge de l’excès de pouvoir, auquel ces dispositions n’ont ni pour objet, ni pour effet d’interdire l’annulation par le juge de la légalité d’un acte administratif plus de quatre mois après son édiction.

Sur la légalité de l’autorisation accordée :

10. Aux termes de l’article R. 214-122 du code rural et de la pêche maritime :  » la réalisation d’un projet comportant l’exécution d’une ou de plusieurs procédures expérimentales est soumise à l’obtention d’une autorisation accordée par le ministre chargé de la recherche dans les conditions prévues à l’article R. 214-123.  » L’article R. 214-123 du même code dispose que :  » L’autorisation ne peut être accordée à un projet que s’il a fait l’objet d’une évaluation éthique favorable.  » Le I de l’article R. 214-117 du même code prévoit que :  » tout projet fait l’objet d’une évaluation éthique par un comité d’éthique en expérimentation animale agréé par arrêté du ministre chargé de la recherche.  »

11. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le ministre chargé de la recherche ne peut autoriser la réalisation d’un projet comportant l’exécution d’une ou de plusieurs procédures expérimentales qu’après un avis conforme délivré par un comité d’éthique en expérimentation animale agréé. En l’absence d’un tel avis conforme régulièrement délivré, la décision du ministre est entachée d’incompétence.

12. Il est constant qu’à la date d’édiction de l’autorisation litigieuse, le comité d’éthique en expérimentation animale CE 070 n’était pas encore agréé, de sorte qu’il ne pouvait valablement se prononcer. La décision par laquelle la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a autorisé la réalisation du projet référencé NTS 012901 est dès lors entachée d’incompétence et ne peut, pour ce motif et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, qu’être annulée, de même que, par voie de conséquence, la décision implicite de rejet du recours gracieux de l’association Transcience.

Sur les frais de l’instance :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre la somme de 250 euros à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L’autorisation accordée au projet référencé NTS 012901 le 7 avril 2022 est annulée, ensemble le rejet du recours gracieux de l’association Transcience.

Article 2 : L’Etat versera la somme de 250 euros à l’association Transcience au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l’association Transcience et à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l’audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Anne Seulin, présidente,

M. Gaël Raimbault, premier conseiller,

M. Arnaud Blusseau, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.

Vu la procédure suivante :

procédure contentieuse antérieure :

L’association Transcience a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision implicite rejetant la demande d’abrogation de 18 autorisations administratives de projets utilisant des animaux correspondant aux résumés non-techniques publiés sur le site ALURES, en tant qu’elle refuse d’abroger l’autorisation délivrée au projet correspondant au résumé non-technique NTS 012901.

Par un jugement n° 2219560 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l’autorisation accordée à ce projet ainsi que le rejet du  » recours gracieux  » formé par l’association Transcience.

procédure devant la Cour :

I – Par une première requête, enregistrée le 15 avril 2024 sous le numéro 24PA01723, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2219560 du 8 février 2024 rendu par le tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par l’association Transcience devant ce tribunal.

Elle soutient que :

– les premiers juges ont entaché leur jugement d’irrégularité en se méprenant sur la nature des conclusions dont ils étaient saisis, en statuant au-delà de ces conclusions et ont ainsi méconnu leur office ;

– la demande de première instance était irrecevable dès lors qu’elle présentait à titre principal des conclusions aux fins d’abrogation ;

– le défaut d’agrément des comités d’éthique n’est pas de nature à entacher d’incompétence les décisions en litige.

II – Par une seconde requête, enregistrée le 15 avril 2024 sous le numéro 24PA01733, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche demande à la Cour d’ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2219560 du 8 février 2024 rendu par le tribunal administratif de Paris.

Elle soutient que les conditions d’octroi du sursis à exécution du jugement sont remplies.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code rural et de la pêche maritime ;

– le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 24 mars 2022, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a accordé au projet correspondant au résumé non-technique référencé NTS 012901 l’autorisation d’utiliser des animaux vivants à des fins scientifiques, sur le fondement de l’article R. 214-122 du code rural et de la pêche maritime. Ce résumé non-technique a été publié sur le site ALURES le 29 mars 2022. Par un courrier du 20 mai 2022, notifié le 23 mai suivant, l’association Transcience a demandé l’abrogation de cette décision. Du silence gardé par la ministre est née une décision implicite de rejet le 23 juillet 2022. Par un jugement n° 2219560 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé ces deux décisions. Par la requête n° 24PA01723, la ministre relève appel de ce jugement et, par la requête n° 24PA01733, la ministre demande le sursis à exécution de ce même jugement.

2. Aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative :  » () les présidents des formations de jugement des cours () peuvent (), par ordonnance : 3° Constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur une requête ; () ; 7° Rejeter (), après l’expiration du délai de recours () les requêtes d’appel manifestement dépourvues de fondement () « .

Sur la requête n°24PA01723 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Il ressort des pièces du dossier que la requête introductive d’instance de l’association Transcience tendait à  » l’abrogation  » de la décision implicite du ministre rejetant la demande d’abrogation de dix-huit autorisations administratives de projets utilisant des animaux, correspondant aux résumés non-techniques publiés sur le site ALURES, demande adressée le 20 mai 2022 par l’association Transcience,  » ensemble  » l’autorisation délivrée au projet correspondant au résumé non technique NTS 012901. Le mémoire complémentaire enregistré le 30 août 2023 tendait à  » l’annulation  » de la même décision implicite en tant seulement qu’elle refuse d’abroger l’autorisation délivrée au projet correspondant à ce dernier résumé non technique. Il ressort de l’argumentation développée dans ces deux premières productions de l’association que l’emploi du terme  » abrogation  » découlait d’une erreur de plume et que l’association requérante entendait dès sa requête introductive d’instance demander  » l’annulation  » de cette décision implicite de rejet. Par ses mémoires complémentaires ultérieurs, l’association a d’ailleurs maintenu cette dernière demande d’annulation, tout en visant également les dix-sept autres projets. Si cet ajout était constitutif de conclusions nouvelles, présentées après l’expiration du délai de recours contentieux et donc susceptibles de se voir opposer une fin de non-recevoir, le tribunal administratif restait valablement saisi des conclusions concernant le seul projet référencé NTS 012901. Par ailleurs, si la demande d’annulation de l’autorisation correspondante ne figurait plus expressément dans l’en-tête ni dans la conclusion du premier mémoire complémentaire, elle ne pouvait être regardée comme abandonnée dès lors que l’argumentation continuait de s’y référer. Enfin, et au demeurant, par une interprétation qui n’est pas contestée en appel, les premiers juges ont qualifié la demande d’abrogation de l’autorisation ministérielle de  » recours gracieux  » dirigé contre cette autorisation et, par application des principes énoncés au point 5 du jugement, en ont prononcé l’annulation en même temps que l’annulation de la décision initiale d’autorisation. Les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d’irrégularité en se méprenant sur la nature des conclusions dont ils étaient saisis, en statuant au-delà de ces conclusions et auraient ainsi méconnu leur office ne peuvent donc qu’être écartés.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

Quant à la recevabilité de la demande de première instance :

4. Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande d' » abrogation  » présentée dans la requête introductive d’instance doit être regardée comme procédant d’une erreur de plume et doit s’analyser, au regard de l’argumentation développée, comme une demande d’annulation du rejet implicite du recours adressé au ministre et tendant à l’abrogation des dix-huit autorisations délivrées. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de ce que cette association présentait à titre principal des conclusions aux fins d’abrogation doit être écartée.

Quant au fond :

5. Aux termes de l’article R. 214-122 du code rural et de la pêche maritime :  » La réalisation d’un projet comportant l’exécution d’une ou de plusieurs procédures expérimentales est soumise à l’obtention d’une autorisation accordée par le ministre chargé de la recherche dans les conditions prévues à l’article R. 214-123.  » L’article R. 214-123 du même code dispose que :  » L’autorisation ne peut être accordée à un projet que s’il a fait l’objet d’une évaluation éthique favorable. « . Le I de l’article R. 214-117 du même code prévoit que :  » Tout projet fait l’objet d’une évaluation éthique par un comité d’éthique en expérimentation animale agréé par arrêté du ministre chargé de la recherche  » et le II dispose :  » Sous réserve des dispositions de l’article R. 214-127, les comités d’éthique en expérimentation animale sont agréés par le ministre chargé de la recherche. Pour être agréé, un comité doit :1° Justifier de la compétence pluridisciplinaire de ses membres ; /2° Garantir le respect de la charte nationale portant sur l’éthique de l’expérimentation animale mentionnée à l’article R. 214-134 ; /3° Garantir le respect des principes relatifs à l’évaluation éthique ; / 4° Présenter des garanties d’indépendance et d’impartialité ; / 5° Disposer des moyens de fonctionnement permettant de réaliser l’évaluation éthique des projets dans les délais impartis. « .

6. Il résulte des dispositions précitées que l’agrément non seulement vise à garantir la compétence des membres du comité d’éthique mais également à garantir leur indépendance et impartialité. Il est constant qu’à la date d’émission de son avis, le comité d’éthique en expérimentation animale n’était pas encore agréé. Ces garanties n’étaient donc pas assurées. Dès lors, l’autorisation ministérielle contestée, délivrée sans avoir fait l’objet d’une évaluation favorable par un comité d’éthique agréé, est entachée d’une irrégularité manifeste qui a privé les administrés des garanties précitées et l’avis émis ne saurait en aucun cas être assimilé à l’avis conforme exigé par les dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête n° 24PA01723 est manifestement dépourvue de fondement et doit être rejetée dans l’ensemble de ses conclusions.

Sur la requête n° 24PA01733 :

8. La présente ordonnance se prononce sur le fond du litige. Par suite, les conclusions de la requête susvisée, qui tendent à ce qu’il soit sursis à l’exécution du jugement attaqué sont devenues sans objet. Il n’y a plus lieu d’y statuer.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA01733 de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Article 2 : La requête n° 24PA01723 de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à l’association Transcience.

Fait à Paris, le 23 mai 2024.