Le 10 mars, à Bordeaux, sur invitation d’ACTA et de l’Université Populaire de Bordeaux, j’ai donné une conférence questionnant la notion d’éthique en expérimentation animale du point de vue de la philosophie morale et de l’antispécisme. J’y parle de la réglementation des recherches impliquant des personnes humaines et des animaux autres qu’humains (CEEA, 3R…), des différentes écoles de philosophie morale (déontologismes, conséquentialismes…) et d’une version du “dilemme du tramway” adaptée à la réflexion sur l’expérimentation animale. Une bonne introduction au futur de ma chaine YouTube, qui se consacrera désormais à la réflexion antispéciste sur l’expérimentation animale.
Transcription de la vidéo
Salut tout le monde et merci d’être là. C’est aujourd’hui la dernière conférence en association entre l’UPB et ACTA, qui est une petite association antispéciste bordelaise dont j’étais président jusqu’à récemment – maintenant, je suis chargé de campagnes à temps plein chez One Voice, une association animaliste nationale – mais de toute façon, je ne représente ici ni One Voice, ni ACTA, ni les animalistes, ni les véganes, ni les antispécistes… En fait je ne peux pas prétendre représenter qui que ce soit d’autre que moi. Juste pour me situer, je suis docteur en musicologie et compositeur, à la base, donc ça n’a pas grand-chose à voir avec l’expérimentation animale, mais à la sortie de ma thèse, j’ai eu six mois d’emploi, et ensuite rien, du coup j’ai dédié mes compétences de chercheur à étudier mieux la cause animale, et je me suis surtout penché sur l’expérimentation animale, parce que les arguments que j’entendais dans les milieux animalistes ne me paraissait pas toujours satisfaisants et qu’en même temps, plus je creusais, plus c’était un puits sans fonds, ce sujet, à cause des enjeux qu’on y attache. Et du coup, il y avait aussi un côté stimulant, intellectuellement, d’où le fait que j’ai préféré y dédier tout mon temps ensuite plutôt que d’avoir un travail universitaire en musicologie. Voilà, ça c’était pour la transparence : je ne suis pas spécialiste en biologie, en biochimie, en simulation informatique ou je ne sais quoi, et je ne suis pas non plus spécialiste en philosophie morale, puisque c’est surtout de ça qu’on va parler aujourd’hui, mais je considère maintenant que j’ai assez étudié le sujet de l’expérimentation animale dans ce cadre pour pouvoir vous en parler aujourd’hui en posant les limites de ce que je sais ou non, de ce dont je suis sûr ou non, et des grosses questions qui doivent être posées. Parce que c’est surtout ça l’objet quand on veut parler d’éthique : des questions. Donc pour commencer, on va faire ce petit débat mouvant, et ça va pas parler d’animaux autres qu’humains – mais je vais vous demander de jouer le jeu, vous pourrez vous exprimer spécifiquement sur l’expérimentation animale à la fin, là on va simplement vous demander de vous positionner en « oui » ou « non » sur une affirmation, et ensuite si vous voulez, de justifier votre position. Je précise tout de suite aussi, côté technique, que si vous ne voulez pas qu’on entende votre voix sur l’enregistrement qui sera diffusé, dites-le simplement en prenant la parole, et votre voix sera coupée au montage. Alors, du coup…
Débat mouvant
La première affirmation : « Si cela peut sauver des centaines de millions d’êtres humains, je suis d’accord pour qu’on expérimente sur mille personnes choisies au hasard ». Je vous laisse y penser deux secondes… Qui est d’accord avec cette affirmation ? … Ok, ça fait tant de personnes à peu près. Qui n’est pas d’accord avec cette affirmation ? … Ok, donc on a tel résultat. Du coup, on va faire passer le micro… etc. Merci. Avant de passer à la deuxième question du débat mouvant, je voulais vous faire regarder
un petit extrait d’une série très sympa, Star Trek Voyager. Ça dure trois minutes. C’est parti. Voilà, donc je ne commenterai pas, mais je vous propose la deuxième affirmation :
« Si cela peut sauver des centaines de millions d’aliens plus intelligents que nous, je suis d’accord pour qu’ils expérimentent sur cent personnes humaines de leur choix. » Je vous laisse y penser deux secondes… Qui est d’accord avec cette affirmation ? … Ok, ça fait tant de personnes à peu près. Qui n’est pas d’accord avec cette affirmation ? … Ok, donc on a tel résultat. Du coup, on va faire passer le micro… etc. Merci – maintenant que vous avez un peu réfléchi à tout ça, on va passer à l’expérimentation animale…
Faits basiques
D’abord, simplement pour vous situer, je ne vais très peu parler des détails de l’expérimentation animale, de comment ça se passe, de ce que ça concerne, parce que ce sont des infos dont on parle toujours. Au lieu de ça, je vous mets juste ici quelques infos de base. En France, chaque année, il y a à peu près
deux millions d’animaux qui subissent des expériences,
et deux millions d’animaux qui sont euthanasiés ou meurent en-dehors des projets de recherches, parce qu’ils sont en surplus, qu’ils sont malades, qu’on veut récupérer leurs organes pour les étudier, ce genre de choses. Les animaux en question, ce sont
principalement des rongeurs, des poissons et des lapins, mais il y a aussi tout un tas d’autres espèces, ça va des cochons aux macaques crabiers en passant par les lézards, les chiens, les vaches, les grenouilles, les poules… Bref, il n’y a pas beaucoup d’espèces qui sont sûres d’y échapper, à part les grands singes et les espèces menacées, pour lesquelles il faut des dérogations un peu spécifiques. Et ces animaux, ils sont utilisés principalement
en recherche fondamentale – donc des recherches pour engranger des connaissances sans exigence d’applicabilité directe, mais qui peuvent éventuellement permettre d’informer et de guider
les recherches appliquées, sur les maladies humaines principalement, mais il y a aussi des recherches sur les maladies animales et le « bien-être animal » (perso je préfère le mot « zootechnie », parce que quand on met des hublots sur des vaches pour voir comment on peut les rendre plus productive en viande et moins coûteuses en nourriture et en médicaments, ça fait un peu mal de parler de « bien-être ». Et puis, il y a
les tests de toxicité réglementaires, pour la mise sur le marché des plastiques, des produits ménagers, de tout ce qui contient des produits de synthèse, des médicaments, de tout ce qui a des prétentions thérapeutiques explicites… Ça inclut, encore aujourd’hui malgré l’interdiction, quelques tests sur des ingrédients de produits cosmétiques, parce que ce sont des ingrédients de synthèse qui vont être utilisés aussi dans d’autres domaines ou dont on va juger qu’ils pourraient être dangereux pour les travailleurs et travailleuses qui les utilisent, et dont on juge qu’ils n’ont pas encore été testés suffisamment. Donc les cosmétiques, c’est pas forcément cruelty-free, c’est un fait. — Bon, avec ces trois-là, vous avez 90% de l’expérimentation animale en France (et en Europe, en gros).
Les 10% restants, c’est pour l’enseignement supérieur, les enquêtes médico-légales, la « conservation de l’environnement » et la « préservation des espèces », ce genre de choses. Si vous voulez vous renseigner un peu de vous-mêmes sur l’expérimentation animale, j’ai fait une série de vidéos sur ma chaine YouTube « La volière des écureuils bleus », où je parle des différentes associations pro et anti et des différentes manières d’accéder aux informations, et puis j’ai fait le site web experimentation-animale.info, où vous pouvez aller aussi trouver des ressources pour vous informer. En attendant, on va aller plus près du cœur du sujet en parlant un peu de réglementation et d’éthique.
Principes humains et principes animaux
Parce qu’un des arguments qu’on entend de manière récurrente, c’est que l’expérimentation animale, c’est hyper réglementé, très strict, tout ça. Et des fois, on nous dit même que c’est encore plus contraignant que la recherche sur des humains, ou qu’on aimerait bien que les humains soient dans d’aussi bonnes conditions que les animaux, pour lesquels il y a un contrôle de la température même pendant les canicules, tout ça. Quelqu’un du ministère de la recherche m’a encore dit ça très récemment, que quand il bossait dans ce domaine il aurait bien aimé que les employés de son labo soient dans d’aussi bonnes conditions que les animaux qu’ils utilisaient, ce qui m’a pas mal choqué… Alors on va comparer un peu quels sont les grands principes qui régissent les recherches sur les humaines et les recherches sur les animaux, hors réglementation et dans la réglementation. — Côté « expérimentation humaine », ou « recherches impliquant des personnes humaines », il y a plusieurs grands principes qui ont été posés par les « déclarations » successives ces 70 dernières années (à Nuremberg, Helsinki, et ainsi de suite.). Le premier, c’est
le principe d’autonomie. En gros, pour pouvoir impliquer une personne humaine dans une recherche, il faut qu’elle comprenne bien ce que ça implique, et qu’elle soit d’accord. C’est la base. Il y a de grosses discussions sur ce que veut dire « éclairé », parce que c’est compliqué de tout comprendre, et certaines recherches impliquent qu’on cache une partie des informations aux gens, mais ça c’est un principe général. — Le deuxième, c’est
le principe de justice, qui implique de ne pas discriminer les gens dans leur implication dans la recherche. En gros, si on fait des recherches qui vont être difficiles pour les participantes et qu’on ne recrute que des personnes d’une certaine couleur de peau, ou que des gens qui ont besoin d’argent et qu’on leur donne de l’argent pour acheter leur consentement, il y a une discrimination et on reconnait très explicitement, de manière générale, que c’est gênant. — Le troisième principe, c’est
le principe de bienfaisance, qui parle de « bénéfice individuel direct ». Ça implique que s’il y a la moindre contrainte pour les personnes qui sont impliquées, il faut qu’elles puissent en tirer quelque chose elles-mêmes. C’est compliqué, c’est pas toujours le cas, parfois justement ça va être de l’argent, ce qui n’est pas forcément top, mais le principe, c’est qu’il y ait cette possibilité, quand on implique une personne dans une recherche, que le résultat des recherches puisse bénéficier spécifiquement à cette personne, entre autres bénéfices. — Et le dernier principe dont je parlerai, c’est
le principe de non-malfaisance, qui dit globalement que les personnes humaines ont droit à leur intégrité, et qu’on ne doit pas y porter atteinte en faisant des recherches. Donc couper le bras d’une personne dans un but de recherches, même si elle y consent, la base c’est de dire que c’est pas top, ce qui semble assez sain, comme principe. — Quand même parfois, pour des cas difficiles, on va devoir
mettre en balance les bénéfices escomptés du projet de recherches et de l’implication de la personne, face aux risques pour cette personne. Le principe dans ce cas, c’est
que, je cite un ouvrage de bioéthique, « Il n’est pas question de faire courir le moindre risque si le bénéfice est minime. Et cette obligation est désormais inscrite dans le Code de la santé publique ». Donc on ne peut pas vous faire risquer de perdre la vue pour vous faire participer à un projet expérimental qui pourrait éventuellement corriger un peu votre presbytie – et ça, même si vous consentez, parce qu’on reconnait justement que le consentement, c’est complexe. — Bon tout ça, c’est pas mal, je pense que tout le monde sera d’accord là-dessus. ——— Du côté de l’expérimentation animale, il y a trois grands principes qui ont été énoncés en 1959 et qui sont entrés dans la loi dans l’Union Européenne en 1986 et surtout en 2010. Ce sont les 3R :
Remplacer,
Réduire, et
Raffiner. — Remplacer, dans la réglementation, ça se traduit par l’idée qu’il faut que, je cite, « les procédures expérimentales ont un caractère de stricte nécessité et ne peuvent pas être remplacées par d’autres stratégies ou méthodes expérimentales n’impliquant pas l’utilisation d’animaux vivants et susceptibles d’apporter le même niveau d’information ». Donc il s’agit pas de savoir s’il y a d’autres manières d’étudier un sujet, mais s’il y a d’autres méthodes pour obtenir les mêmes résultats sur un sujet. Et la loi ne définit pas ce qu’est la « stricte nécessité », ce qui est dommage. — La Réduction, dans la réglementation, c’est qu’on va Réduire le nombre d’animaux utilisés autant que possible « sans compromettre les objectifs du projet », ce qui semble pour le coup assez logique, parce que si on compromet les objectifs en le faisant, alors les animaux qui restent sont vraiment utilisés pour rien. Mais les chiffres de l’expérimentation animale descendent très, très peu ces vingt dernières années, donc c’est pas très probant comme principe pour l’instant en termes de résultats. — Enfin, le « Raffinement », ça concerne les conditions de détention et les expériences, dans l’idée d’ajouter quelques jouets ou de la litière dans une cage ou de Remplacer une chirurgie invasive par une méthode beaucoup plus bénigne. En gros, limiter les souffrances, comme dit la réglementation, « le plus possible ». — De ce côté-là aussi, du coup, il va y avoir un genre de questionnement pour
mettre en balance les bénéfices escomptés des recherches et les coûts pour les animaux utilisés – c’est-à-dire les souffrances, le stress, la privation de liberté, tout ça. Mais là ces principes, ça va être très différent de ce qu’on a du côté des personnes humaines, parce que pour ça on avait l’idée de ne pas faire prendre le moindre risque à la personne sauf si elle pouvait en espérer un bénéfice substantiel, alors que là, les animaux utilisés n’en tireront jamais aucun bénéfice individuel (puisqu’ils sont généralement tués après les expériences) et la réglementation prévoit, pour le côté « risque » ou « coût », que les procédures
doivent se faire sous anesthésie « sauf si cela n’est pas approprié », et qu’il faut limiter la douleur, la souffrance et l’angoisse « le plus possible ». Donc par défaut, on considère que l’expérimentation animale va faire souffrir des animaux, beaucoup si on juge ça nécessaire, qu’eux-mêmes ne vont rien en tirer, et que cette situation est ok. D’où le fait que ça me fait un peu grincer des dents quand j’entends qu’on aimerait bien que les employé·es soient aussi bien traité·es que les animaux. — Quand même, dans l’idée, là, il va quand même y avoir besoin que des gens vérifient que ces principes sont appliqués, que n’importe qui ne puisse pas lancer n’importe quel projet de recherche n’importe comment, qu’il y ait une forme de contrôle. Et cette forme de contrôle, c’est les comités d’éthique.
Côté recherche humaine, à l’échelle nationale, il y a le comité consultatif national d’éthique, qui va aborder les questions un peu tendues comme l’euthanasie volontaire ou l’utilisation des cellules souches embryonnaires, en faisant des débats de fonds et en donnant des recommandations pour l’évolution de la réglementation. — Du côté de l’expérimentation animale, à cette échelle, on a
le comité national de réflexion sur l’éthique de l’expérimentation animale (CNREEA), qui a un peu le même genre de rôle, et qui a abordé récemment, par exemple, la question de l’amputation des phalanges des rongeurs pour les identifier (genre si on a coupé une phalange au troisième doigt et au deuxième doigt, on sait que c’est telle souris, c’est une pratique qui existe encore pour les distinguer). Le CNREEA a aussi abordé récemment la restriction hydrique des primates (quand on les met dans des chaises de contention après les avoir privés d’eau et qu’on leur donne de l’eau ou du jus de fruit goutte à goutte quand ils font ce qu’on leur demande). — Bon, à part le CNREEA, il y a aussi
la Commission nationale pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (CNPAfis), qui s’appelait avant « Commission nationale de l’expérimentation animale » (CNEA), et ça collait mieux avec l’activité, puisque la très grosse majorité de son travail depuis 30 ans, c’est de se réunir une ou deux fois par an pour approuver les projets de formation professionnelle en expérimentation animale. Rien à voir avec la protection des animaux, concrètement, sauf pour peut-être 10% de son activité quand elle collabore avec le CNREEA. — Bref, ça c’est l’échelle nationale, mais il y a aussi des contrôles plus locaux, des validations des projets de recherches avant qu’ils soient autorisés. Pour la recherche humaine, ça passe par
les comités d’éthique locaux quand ça concerne, par exemple l’utilisation de données déjà recueillies dans des questionnaires ou des diagnostics, ou des hôpitaux, tout ça : vous voulez utiliser des données concernant des patientes ou réutiliser des données recueillies par d’autres avant vous ? Il faut demander au comité d’éthique local – il peut pas vous interdire de le faire, et la demande se fait de temps en temps après avoir commencé, mais c’est pas censé être le cas. D’autant que le comité d’éthique, justement, dans certains cas il peut juger que certains projets doivent passer par une validation au niveau supérieur, parce qu’ils impliquent de poser directement des questions aux gens, ou alors carrément de faire venir les gens ou d’aller chez eux et de les impliquer personnellement dans un protocole de recherches ou dans des essais cliniques de médicaments, par exemple. Et dans ce cas, ça doit passer par un
Comité de Protection des Personnes (CPP). Le CPP, c’est
4 médecins chercheurs, 1 généraliste, 1 infirmier, 1 pharmacien pour représenter le monde médical, et 1 philosophe éthicien, 1 sociologue, 1 psychologue, 2 juristes et 2 représentants d’associations de malades ou d’usagers du système de santé. Donc des expertises assez larges, avec une représentation des personnes qui vont être impliquées, des personnes auxquelles ça peut profiter et du grand public. Et avant qu’un projet de recherches commence, il doit réglementairement avoir reçu l’avis favorable d’un CPP. Donc avant de commencer, les responsables du projet doivent envoyer leur projet, qui est attribué au hasard à un des 40 CPP du pays, qui n’est pas en lien avec l’établissement qui monte le projet, et qui va donner son avis et souvent demander des modifications, des ajustements, des justifications supplémentaires, tout ça. — Du côté de l’expérimentation animale, il n’y a évidemment pas d’équivalent des comités d’éthique pour les recherches utilisant les données personnelles, puisqu’on ne considère pas que les animaux non-humains aient un droit sur les données qu’on récolte sur eux, mais il y a quelque chose qui ressemble plus aux CPP, ce sont les
comités d’éthique en expérimentation animale (C2EA, ou CEEA), puisque depuis 2013, il faut avoir l’autorisation d’un CEEA pour pouvoir réglementairement commencer un projet utilisant des animaux vertébrés vivants. Et là aussi, le CEEA peut demander des modifications, des ajustements, tout ça, avant de valider le projet. Il y a quand deux grosses différences entre les CPP et les CEEA. La première,
c’est qu’alors que les CPP ont une base de 14 personnes, les CEEA, c’est 5 personnes minimum, dont 4 personnes qui utilisent des animaux dans la recherche et une personne qui est souvent appelée « naïve », qui en gros n’a pas besoin de justifier d’une quelconque expertise. Donc pas de sociologue, pas de représentants d’associations qui s’intéressent aux intérêts des animaux, pas de juristes, pas de philosophes spécialistes de la bioéthique ou de l’éthique animale… Principalement des gens qui pratiquent l’expérimentation animale, ce qui est un gros biais alors que les comités d’éthique s’engagent à l’impartialité. Évidemment, rien n’empêche les CEEA de recruter des gens avec des expertises différentes et de multiplier le nombre de membres non « pratiquants », mais dans les rapports que j’ai, quand le nombre de membres se multiplie, c’est plutôt le nombre de pratiquants qui augmente, malheureusement, ce qui fait que la voix de la société civile se perd encore plus dans la foule. — La deuxième grosse différence, c’est que quand on veut soumettre un projet à un CEEA, on ne l’envoie pas pour qu’il soit donné à un comité au hasard. Non, on le soumet au CEEA auquel notre établissement est rattaché. Et dans beaucoup de cas, les établissements ont leur propre comité, qui est composé en grande partie de leur propre personnel. En France, il y a plus de 120 comités d’éthique en expérimentation animale, pour un peu plus de 600 établissements. Donc même si ce n’est pas la personne qui a soumis le projet qui juge elle-même son propre projet, ça reste souvent ses collègues directs – et quand un comité d’éthique gère plusieurs établissements, c’est des établissements proches géographiquement, qui sont susceptibles de collaborer sur des projets de recherches. Là aussi, en termes d’impartialité, c’est pas vraiment idéal. Certes, les comités d’éthique qui jugent les projets de recherche rétrospectifs (les résultats de questionnaire, ce dont je parlais tout à l’heure), eux sont aussi rattachés aux établissements, mais eux jugent uniquement des recherches qui impliquent des données, et pas des personnes. Et s’il y a un doute sur les intérêts des personnes, ils peuvent faire remonter aux CPP. Alors que là, les CEEA, c’est eux qui formulent leur avis et qui l’envoient au ministère de la recherche pour faire autoriser les projets, y’a pas de deuxième instance, de comités mieux composés, plus spécialisés, pour des projets spécifiques. D’où les demandes qui ont été faites cette année, pour les présidentielles, par différentes sources animalistes et sous différentes formes, de changer en profondeur le fonctionnement de ces comités d’éthique. — Mais tout ça, de toute façon, ce sont les principes. Au-delà des principes, il y a la manière dont ils sont appliqués. Sans aller dans le détail parce que c’est pas l’objet de cette conférence, je peux juste dire que si on trouve un humain mort au cours d’une recherche où il devait rester quelques jours dans le labo pour un suivi, il va y avoir de sacrés enquêtes, et probablement des sanctions assez phénoménales. Par contre, si on trouve un animal autre qu’humain mort et qu’on ne sait pas trop comment il est mort, il n’y aura pas de sanctions. Récemment, dans un rapport d’inspection, dans l’item « Soins assurés aux animaux », j’ai vu marqué « Conforme : une femelle mandarin a été retrouvée morte le jour de l’inspection sans explication ». Conforme. — Donc c’est pour revenir sur l’idée que d’un côté, on cherche vraiment à protéger les intérêts des individus qui vont être utilisés, à les prendre en compte en tant qu’individus. De l’autre côté, la base est qu’on a le droit de les sélectionner génétiquement, de les faire se reproduire comme on veut, de les garder en captivité toute leur vie, de les faire souffrir et de les tuer, voire de les laisser mourir, sans que ça n’ait de conséquence particulièrement gênante pour les établissements. Oui, il y a le principe des 3R qui va chercher à limiter les souffrances et à Réduire le nombre d’animaux utilisés, mais même quand il n’est pas appliqué, pas réfléchi, ou mal réfléchi, là encore, il n’y généralement pas de sanctions — et je vous dis ça sur la base de grosses recherches que je fais depuis deux ans, j’ai presque 200 rapports d’inspection à disposition pour constater des infractions qui sont censées donner lieu à des sanctions pénales et pour lesquelles les labos ont juste eu une tape sur la main en leur disant de corriger ça d’ici l’inspection suivante. — En fait, le souci est peut-être plus profond que l’application de la réglementation ou que la réglementation elle-même, parce qu’il a principalement à voir, à mon avis, avec ce qu’on appelle « éthique ».
philosophie morale
Parce que quand on parle d’éthique, on oublie souvent de parler de tout ce qu’il y a derrière, de tout ce qu’il y a avant et de tout ce qu’il y a en parallèle, c’est-à-dire la recherche en philosophie morale, et le questionnement qui va avec. Dans la vie quotidienne, « éthique » et « morale », on confond un peu, ou alors on leur donne des connotations différentes, mais qui ne sont pas les mêmes qu’elles ont en philosophie. Du coup, là, je vais vous parler du côté philosophie justement, et pas forcément m’attarder sur les connotations de ces mots – et je serai amené à dire « en gros » et « plus ou moins » de manière peut-être un peu récurrente, parce que la philosophie morale, c’est très compliqué, et tout le monde n’est pas d’accord sur les définitions, sur les frontières entre les concepts, sur tout un tas de choses, donc ce que je vous en donne là, c’est une version que j’ai fait par rapport à ma compréhension des choses sur la base de beaucoup de lectures, avec la validation d’un prof de philosophie qui bosse beaucoup là-dessus, mais ça reste l’état actuel de mes connaissances et de mes compétences là-dessus. Donc, pour commencer, la philosophie morale, c’est quelque chose qui part de très loin, historiquement et conceptuellement. Historiquement, c’est au moins l’Antiquité. Et conceptuellement, ça remonte jusqu’à ce qu’on appelle
la méta-éthique, c’est-à-dire en gros l’étude des raisons pour lesquelles on considère que quelque chose peut être ou non bien ou mal, ou souhaitable ou pas. Et en méta-éthique, il y a une opposition entre les anti-réalistes et les réalistes.
Les anti-réalistes, ils considèrent plutôt qu’il n’y a pas de raison objective de considérer qu’une chose soit bonne ou non, et que la morale est une question subjective, personnelle, pour laquelle on ne peut pas trouver une solution meilleure qu’une autre, parce que « meilleure », ça ne veut rien dire. Là-dedans, comme dans les autres courants que je citerai, il y a aussi plein de débats, de différences d’opinions sur des détails ou sur des points importants, mais « en gros », c’est l’idée ici qu’il ne peut pas y avoir une morale universelle ni de prescriptions morales. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas étudier la morale, mais seulement que dans cette perspective, la morale ne peut être que
descriptive, sans porter de jugement ni sur les raisons, ni sur les actions. Vous considérez que c’est bien de faire une ségrégation entre les gens selon la couleur de leurs cheveux ? Ok, on ne peut pas vous dire que ça n’est pas moral, on peut juste constater que vous faites ce choix et qu’il repose sur tel ou tel critère que vous considérez justifié, ce qui est intéressant en soi. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas avoir des raisons de refuser cette ségrégation, simplement que de ce point de vue, ça ne sera pas des raisons morales qui guideront ce refus. — De l’autre côté, il y a
les réalistes, qui considèrent que la morale peut être argumentée sur la base de prémisses qui sont vérifiables, qui reposent sur différentes choses, et que du coup il va pouvoir y avoir des prescriptions morales justifiées, qu’on va pouvoir juger si quelque chose est plus ou moins « bien », plus ou moins « souhaitable », en fonction de critères établis. Et ça, c’est le domaine de
l’éthique normative : poser des normes de réflexion morale, des critères communs pour débattre sur les questions morales. Justement, là où il va y avoir débat, c’est sur les critères. Parce que si on n’a pas les mêmes critères, à la limite le débat sur la question ne sert à rien, parce qu’on n’a pas le même but. Si vous ne connaissez pas la chaine Réplique Éthique sur YouTube, ben maintenant vous connaissez le nom, elle parle notamment de ça, allez regarder, c’est des vidéos courtes hyper intéressantes. Retour au sujet…
Dans l’Antiquité, et c’est revenu plus récemment sous d’autres formes, le gros de l’éthique normative, ça tourne autour de l’idée de « vertu » et de bonheur : ce qui est bien, c’est le bonheur, et le bonheur, c’est d’être vertueux, donc il est bien d’être vertueux. Aujourd’hui, on reproche un peu à ça d’être très tourné vers des raisons égocentrées, genre j’aide les autres parce que c’est vertueux parce que c’est être vertueux qui va me rendre heureux, et c’est ça qui est bien. En fait, c’est plus compliqué, évidemment, mais on peut quand même se poser la question de qui va décider de ce qui est une vertu ou pas… — Autre école d’éthique normative,
les déontologistes. Pour eux, l’important, c’est de respecter des devoirs absolus qui sont définis à l’avance. Kant, c’est le plus gros représentant de ça et c’est une forme un peu particulière, il définissait les devoirs comme les trucs dont on pouvait imaginer qu’ils sont généralisables, que tout le monde devrait se comporter de cette manière. C’est compliqué, et sincèrement j’ai pas assez compris pour que vous me preniez tout à fait à la lettre, si ce n’est qu’il y a une critique assez récurrente de sa manière de définir ça parce que comme par hasard, les devoirs qu’il a définis, ça collait très bien avec l’air du temps et avec son éducation chrétienne. Par exemple, il y a un devoir de ne pas se masturber. Allez savoir pourquoi… Après chez les déontologistes, il va y avoir d’autres écoles, parfois « intuitionnistes » — encore que des fois les intuitionnistes se distinguent de ça et revendiquent un statut à part, mais en gros l’idée c’est que l’intuition est un bon guide moral – ce qui me parait complètement à côté de la plaque, parce que le « bon sens », l’intuition, tout ça, c’est tellement ancré dans les normes sociales que c’est le meilleur moyen de perpétuer les discriminations si on ne se fie qu’à l’intuition… D’autres déontologistes sont « pluralistes », c’est-à-dire qu’au lieu d’avoir un critère précis ou principal pour définir les devoirs, ils vont prendre plusieurs critères. Des fois, ça rejoint un peu les intuitionnistes, et il y a un risque de dérive vers la justification à posteriori de ce qu’on fait déjà ou de ce qu’on croit déjà être « bien » : genre on pense que voler est un mal, du coup on va poser un devoir de ne pas voler en trouvant un critère comme l’honnêteté, ou le respect de l’autre à qui on vole, ce genre de choses. Voyez que déjà, les frontières sont pas toujours claires, parce que l’honnêteté, ça peut aussi être posé comme une vertu – mais les raisons d’agir de telle ou telle manière ne seront pas les mêmes dans une perspective d’éthique de la vertu (pour être vertueux) et dans une perspective déontologiste (pour respecter des devoirs absolus). Et si on ne doit pas voler parce que ça ferait du mal à la personne à qui on vole, alors on va vers encore d’autres écoles d’éthique normative :
les conséquentialismes. Là c’est le plus simple à comprendre au premier abord : la moralité de nos actes dépend de leurs conséquences. Bonnes conséquences : c’est moral. Mauvaises conséquences : c’est pas moral. Le gros débat, c’est de savoir qu’est-ce qui fait que des conséquences sont bonnes ou mauvaises, et de quelles conséquences on parle. J’ai mis « utilitaristes ou non », c’est pas très important, l’utilitarisme c’est le courant principal dans le conséquentialisme, mais c’est une manière de calculer les conséquences un peu spécifique, avec des forces et des faiblesses, c’est moins important pour la discussion ici. Le gros de la discussion, ça va être sur
tous les choix qui doivent être faits parmi les critères possibles pour évaluer les conséquences. Est-ce qu’on prend en compte les conséquences habituelles d’un acte ou alors ses conséquences dans la situation spécifique qu’on analyse ? Ça c’est la différence entre conséquentialisme de la règle (qui peut ressembler sur certains points à un déontologisme, à un respect d’une règle, mais c’est spécifiquement à cause des conséquences qu’on va la respecter), et puis il y a le conséquentialisme de l’acte, qui va vraiment prendre en compte que tuer quelqu’un qui s’apprête à tuer tout le monde autour, si on n’a pas d’autre solution, ça peut être une conséquence acceptable alors que tuer quelqu’un en général, ça n’a pas des conséquences positives. Mais pour ça, il faut savoir aussi si on parle des conséquences réelles, qu’on ne peut pas savoir à l’avance la plupart du temps, ou alors des conséquences attendues. Et puis il faut savoir si on s’intéresse en premier à valoriser le bonheur, le plaisir, ou alors à diminuer les souffrances, ou alors aux préférences des individus, qui peuvent être variées. Mais si on s’intéresse aux préférences, on prend leurs préférences réelles, biaisées par tout un système qui peut leur faire préférer des situations d’inégalité et d’injustice, ou alors on prend leurs préférences idéales, en imaginant un système où elles pourraient avoir conscience de toutes les conséquences de leurs préférences ? Et qui c’est qui décide de ça et qui définit le système idéal ? Personnellement il y a surtout un concept qui m’a bien plu dans le conséquentialisme quand on s’intéresse au bonheur et aux souffrances, et ça contre pas mal de critiques adressées à l’utilitarisme, dont on dit souvent qu’il accepterait de sacrifier une minorité pour bénéficier à la majorité. Ce concept, c’est l’idée de « seuil » : c’est-à-dire qu’on peut effectivement accepter qu’une personne souffre un peu si ça permet à d’autres personnes de souffrir beaucoup moins, ou d’avoir plus de bonheur, mais on cherche à ne pas dépasser un seuil, de chaque côté, pour tout le monde. Donc il faut un minimum de plaisir pour tout le monde, et il y a un maximum de souffrance à ne pas dépasser pour qui que ce soit. Ce qui fait qu’on ne peut pas, dans ce cas, torturer quelqu’un pour obtenir des informations qui permettront d’améliorer le quotidien de nombreuses autres personnes. On ne peut pas mettre en esclavage une partie de la population dans le but de faciliter la vie des autres. En tout cas c’est que j’en comprends, et ça me parait pas mal. — Parce qu’il y a encore
d’autres écoles en éthique normative, qui impliquent encore d’autres choses. Je vais pas les décrire toutes ici, mais juste relever qu’il y a, assez récemment, une éthique de la vulnérabilité, qui a été mise en avant par des mouvements de luttes sociales, parce qu’on ne peut pas questionner un problème moral de la même manière quand les personnes désavantagées font partie d’un groupe généralement privilégié et quand elles font partie d’un groupe régulièrement exploité ou oppressé de plusieurs manières. Cette vulnérabilité, du fait d’être dominé socialement, hiérarchiquement, politiquement, elle devrait d’après ces écoles d’éthique normative être prise en compte. Ça me semble rentrer complètement dans le conséquentialisme, même si elles ne le revendiquent pas et peut-être qu’elles veulent s’en détacher, mais concrètement, oui, la vulnérabilité d’une population a à voir avec les conséquences des actes, que ce soient les conséquences habituelles ou les conséquences spécifiques, donc ça fait sens de prendre ça en compte. — Et c’est notamment pour prendre en charge ce genre de questions spécifiques que s’est créé le terme
d’éthique « appliquée ». Ça existait avant, il y a toujours eu un intérêt pour l’application de l’éthique aux problèmes concrets de la société, mais la formalisation de ça comme une branche séparée de l’éthique normative, ça date des années 1960, avec les changements de mœurs et de pratiques, qui ont motivé notamment la bioéthique et l’éthique de la sexualité. Il faut dire aussi que c’est important pour certaines professions d’avoir des règles spécifiques, comme le secret professionnel, qui nous plait bien quand ça nous arrange, notamment en matière de santé… Donc de ce point de vue, ça peut être utile d’avoir des réflexions spécifiques à certaines professions, qui se basent sur des problématiques spécifiques à ces professions, ce qui leur évite d’avoir à se noyer sous les écrits de philosophie morale. En même temps, penser comme ça, se dire qu’il faut des réflexions spécifiques à une profession et qu’il faut faire de ça une branche séparée de la philosophie morale, ça suppose aussi qu’on pense qu’on n’arriverait pas aux mêmes conclusions avec les réflexions de l’éthique normative, ce qui est discutable, au moins… Par exemple, le secret médical, avec une réflexion déontologiste, on peut poser un principe de propriété des gens sur les informations concernant leur propre santé ; et avec une réflexion conséquentialiste, notamment si on prend en compte la vulnérabilité induite par les problèmes de santé, on arrive vite à la conclusion que le secret médical est justifié dans la plupart des cas, tout en laissant éventuellement une porte ouverte à des exceptions sur des cas spécifiques. Donc pourquoi faire de ça une branche à part ? D’autant que l’éthique appliquée se prétend parfois complètement indépendante de la philosophie morale, indépendante de l’éthique normative, mais en gardant le terme « éthique » alors qu’il n’y a aucune réflexion proprement morale derrière – c’est-à-dire aucune réflexion sur comment on définit ce qui est bien ou mal, ce qui est souhaitable ou non. Et quand cette réflexion, elle est remplacée par
une base commune plutôt intuitionniste avec un circuit fermé de codes de bonne conduite définis par les personnes qui pratiquent la profession en question, ça pose un souci. Et quand ce sont ces codes de bonne conduite qui servent de base à une
réglementation, sans inclure l’obligation d’un questionnement en philosophie morale (et pas seulement en bioéthique ou en éthique politique, ou en éthique animale ou je ne sais quoi), alors il me semble vraiment y avoir besoin d’une remise en cause. Donc ce que je veux vous faire comprendre ici, au final, c’est que quand les gens qui défendent l’expérimentation animale parlent « d’éthique », quand on dit « comité d’éthique en expérimentation animale », on est bien, dans la très grosse majorité des cas, dans ce petit coin-là, en bas à droite, avec un petit mur construit autour de la déontologie et de la réglementation pour que des questionnements moraux ne viennent pas ébranler le système. — Parce que bon, parmi les réflexions en philosophie morale, il y a la menace latente de tout ce mouvement de
zombies mangeurs de graine, de khmers verts, de dictateurs en puissance : les antispécistes. Alors bon, en vrai, l’antispécisme, c’est une orientation en philosophie morale, qui a largement été popularisée par Peter Singer, le gars à gauche là, avec son livre La libération animale en 1975. Singer il est philosophe, il a reçu des récompenses internationales pour ses travaux en philosophie. Donc on peut difficilement parler d’un truc marginal de gens qui ont pas bien réfléchi à la question et qui sont naïfs. Et Singer, lui est utilitariste, donc conséquentialiste, et il a eu plusieurs postures différentes depuis les années 70 là-dedans, il a changé d’avis plusieurs fois, en s’intéressant plutôt à la souffrance, plutôt aux préférences, plutôt à l’épanouissement… Donc déjà il s’est remis en question sur certains points, sur certains critères, pour leur préférer d’autres. Mais il y a aussi des débats dans l’antispécisme en général. Typiquement, à côté de lui, là, c’est Tom Regan, qui lui est déontologiste – et lui aussi philosophe de profession. Et il a écrit au début des années 80 Les droits des animaux. Pour lui, l’important, c’est que les animaux sont « sujets d’une vie », de leur propre vie, et ça, c’est le critère pour leur donner une protection de base, au même titre qu’aux personnes humaines, qu’on ne puisse pas les utiliser comme ça, pour nos propres fins, parce qu’ils ont leur propre vie, qui leur importe à eux. Et à côté de lui encore, c’est Sue Donaldson et Will Kimlicka, des philosophes aussi, antispécistes aussi, et qui sont plutôt dans une perspective déontologiste aussi, mais dans un courant un peu différent, plus récent dans l’éthique animale, c’est
la philosophie politique. Et là je le mets ici, parce que c’est vraiment mon impression qu’on est avec la philosophie politique dans quelque chose qui permet réellement à l’éthique appliquée d’être informée par l’éthique normative et d’être questionnée dans ce sens de manière beaucoup plus saine que ce qu’on trouve parfois. Après, il y a d’autres critères, et là aussi, la philosophie politique, c’est tout un domaine en soi auquel je ne connais pas grand-chose. Simplement, avec leur livre Zoopolis, ils ont introduit dans la réflexion en éthique animale quelque chose qui était assez absent avant, c’est l’idée que les animaux sont des agents, qu’ils ne sont pas que des trucs passifs auxquels il faut éviter des souffrances et de l’injustice, mais aussi selon les cas des citoyens, des cohabitants, des maitres de leurs propres domaines, et que les considérer de cette manière fait que leurs intérêts doivent être pris en compte autrement. Axelle Playoust-Braure, une journaliste scientifique, a fait une conférence là-dessus le 13 janvier ici, et la vidéo est en ligne sur la chaine YouTube d’ACTA, si ça vous intéresse. Au final ce que je retiens de l’antispécisme, et surtout ce que je veux vous faire retenir ici avant de passer à la suite, c’est la définition qu’en ont donné les Cahiers antispécistes, qui ont été les premiers à diffuser ça explicitement en France au début des années 1990, je cite : « Le spécisme est à l’espèce ce que le racisme et le sexisme sont respectivement à la race et au sexe : la volonté de ne pas prendre en compte (ou de moins prendre en compte) les intérêts de certains au bénéfice d’autres, en prétextant des différences réelles ou imaginaires mais toujours dépourvues de lien logique avec ce qu’elles sont censées justifier ». C’est ça le fond du problème et j’y reviendrai : si vous voulez justifier des différences de traitement dans une perspective de réalisme moral, alors il faut utiliser des critères qui ont un lien logique avec les différences de traitement. Et l’espèce, ça n’a pas de lien logique avec ce qu’on fait généralement aux animaux non-humains et qu’on refuse de faire aux personnes humaines. — Du coup, pour refaire le lien avec le débat mouvant et pour relâcher un peu la pression mentale, parce que c’est dense tout ça, une petite expérience de pensée…
Le dilemme du tramway
Il y a quelqu’un qui est attaché sur la voie du tram, le tram vide qui arrive, et vous, vous êtes là, sur le pont au-dessus, et il y a quelqu’un à côté de vous que vous pourriez pousser sur la voie pour qu’il arrête net le tram et que ça sauve l’autre personne. Est-ce que vous le feriez ? Et si la personne attachée, c’est vous, vous voudriez qu’on le fasse, pour vous ? Et si c’est votre enfant, ou une amie proche, ou votre conjoint ? — Ça, ça s’appelle le dilemme du tramway, c’est un truc courant en philosophie morale pour évaluer les critères qu’on utilise pour faire des choix moraux. Et les réponses varient beaucoup selon la manière dont on présente ça, selon ce qu’on précise, selon qui répond (typiquement les adultes répondent différemment des enfants, les hommes répondent différemment des femmes), et ça permet de se faire une idée de comment les gens réfléchissent aux problèmes moraux. Si vous voulez voir ça en version drôle, il y a la série The Good Place, qui a tout un épisode là-dessus. Mais maintenant, voyons
si on met un animal non-humain, là-dedans. Voyez, là c’est un cochon – il a quand même un t-shirt à manches longues, parce que c’était plus important d’écrire le texte de ma conférence que de me prendre la tête à intégrer un cochon crédible, mais vous comprenez l’idée. Du coup, là est-ce que vous pousseriez le cochon ? À ça, la plupart des adultes répondent oui. Les enfants, c’est moins évident. Encore moins quand c’est un chien – alors que là aussi, les adultes n’hésitent pas énormément. Je commence par ça pour le dilemme du tramway par rapport à une actualité assez récente, puisque
des gens ont réussi à greffer un rein de cochon à un humain. Et d’autres, un cœur de cochon. Les deux cochons sont morts, évidemment. Et l’idée, c’est de sauver des personnes en utilisant des cochons comme réservoirs d’organes. Et quand il y a eu le truc du rein, il y a eu plein d’articles de presse, et pendant une bonne semaine, le seul qui a abordé la question morale s’est demandé si c’était bien éthique d’avoir utilisé une personne en état de mort cérébrale pour tester cette greffe. Ben oui, le gars il pouvait pas être consentant, il était dans le coma. Donc on a demandé à sa famille – et le questionnement moral était justifié. Par contre, dans le même article, quand ça évoque le cochon, la réponse à la question morale c’est : « ben ouais mais on les mange, alors c’est bon, il faudrait peut-être s’occuper de ça ». Donc le fond, c’est : on leur fait déjà pire pour un usage moins utile, alors on ne va pas questionner la morale de ce qu’on fait là. Et là on arrive à un nœud de la question morale en expérimentation animale, parce que quand on parle des 3R, le premier c’est le Remplacement : si on peut utiliser autre chose que des animaux, on utilise autre chose que des animaux. Alors imaginez, je vais aller me chercher mon sandwich poulet-mayo et je reviens.
— — — Bizarre… Soit je ne sais pas qu’il est tout à fait possible de ne pas manger d’animaux de nos jours en France sans que ça pose le moindre souci de santé – pourquoi pas, c’est possible que des gens l’ignorent encore. Soit, je le sais mais je les mange quand même. Alors que je prétends utiliser les animaux uniquement quand c’est absolument nécessaire. Et j’ai eu des discussions avec plusieurs personnes comme ça, qui font bien la distinction entre leur application très stricte de leur éthique professionnelle – et leur vie quotidienne, qui est leur vie privée. Du coup on est vraiment dans la dérive de l’éthique appliquée et de la déontologie professionnelle : pas du tout dans la réflexion morale, mais dans l’application bête de principes qui sont de toute façon forcés par la réglementation – et dans ce cas, pourquoi les appliquer plus que ce que la réglementation impose ? Donc, ces gens, qui défendent l’expérimentation animale avec les 3R tout en mangeant des produits d’origine animale, leurs propos perdent en crédibilité en ce qui concerne l’éthique de l’expérimentation animale, et en ce qui concerne l’idée de nécessité, et les 3R. Au minimum, il faudrait qu’elles reconnaissent, dans ce cas-là, que ce n’est pas de réflexion éthique, de réflexion morale, qu’il s’agit, mais d’application d’une réglementation avec des méthodes qu’on leur donne, et que ça n’est pas par souci de justice ou par conviction morale pour les animaux, ou pour Réduire les souffrances quand c’est possible, ou pour respecter leurs droits, mais juste par souci de respecter la réglementation. — Bon, le tramway, c’est une expérience de pensée, ça permet de réfléchir aux critères qu’on utilise, mais dans la plupart des cas, c’est pas comme pour ce dilemme de la greffe, on peut pas directement prendre des vraies décisions ni y réfléchir vraiment en profondeur sur la seule base du dilemme du tramway…
Au quotidien
Parce que dans la vraie vie, ça ressemble un peu à un gros foutoir, dans lequel avoir des critères, ça sert surtout à un peu mieux se repérer et à garder une certaine cohérence. Et l’expérimentation animale, c’est beaucoup moins direct que la greffe, ça colle plus avec ce modèle du gros foutoir. Et ça peut concerner beaucoup plus de gens aussi – côté non-humains et côté humains. On va pas sauver une vie en rendant une souris cocaïnomane. Il y a d’autres facteurs à prendre en compte pour tout ce qu’on étudie par l’expérimentation animale.
Si on parle de la lutte contre les causes des addictions aux drogues, contre les causes d’un certain nombre de maladies liées à la pollution, à la malbouffe, à tout un cas de facteurs environnementaux, aux inégalités sociales, si le but est d’avoir le plus d’impact possible, la lutte contre ces facteurs-là, elle profiterait de beaucoup de financements et d’autres soutiens. Malheureusement, dans beaucoup de cas, il y a un gros rôle des
lobbys industriels et de la volonté de ne pas nuire au développement économique, quitte à ce que ça nuise aux individus, qui peuvent même avoir des préférences pour ces produits qui leur nuisent. Je sais que j’aime beaucoup trop le sucre pour que ça ne me pose pas de soucis de santé plus tard, et je ne sais pas comment en sortir, je n’y arrive pas. Donc si le but est de Réduire les souffrances, de les éviter, de favoriser une bonne santé, ça peut être mieux de diriger l’argent vers ces luttes de prévention, vers l’aide directe en amont, vers la sensibilisation, plutôt que vers les recherches pour remédier aux résultats. Évidemment, c’est pas exclusif, mais j’ai jamais vu de calcul d’efficacité sérieux sur ce point, alors que ça devrait être le premier calcul réalisé par les comités d’éthique pour le premier des 3R, le Remplacement. Mais comme on a vu, le Remplacement tel qu’il est défini dans la réglementation ne prévoit pas de Remplacer des recherches par quelque chose qui ne va pas vers les mêmes résultats.
À côté de ça, il y a la possibilité de développer des alternatives. Alors oui, les « alternatives » in vitro, in silico, les cultures de cellules, les ordinateurs donc, sont déjà souvent utilisés en parallèle des expériences sur les animaux, c’est un fait. Mais ça ne veut pas dire qu’elles sont toujours utilisées à leur plein potentiel actuel, et ça ne veut pas dire, surtout, qu’elles ne peuvent pas être développées autrement, et que d’autres choses ne puissent pas être trouvées. En bref, on ne peut pas dire sérieusement, rigoureusement, que l’arrêt de l’utilisation d’animaux veuille dire l’arrêt de la recherche. Pourtant, c’est un message qui continue d’être martelé régulièrement. Alors que le choix qu’on a de ce côté-là, c’est pas uniquement le choix entre soit faire des recherches, soit développer des méthodes non-animales. C’est aussi le choix entre développer des nouvelles méthodes non-animales et développer
des nouvelles méthodes animales – parce qu’il y a plein de publications dont l’objet est de rapporter qu’elles ont créé tel nouveau modèle animal de brûlure, de stress aigu, d’anxiété-trait, de telle ou telle maladie. Et l’objet de ces publications, c’est pas d’avoir une application, c’est pas de créer des connaissances, c’est de créer un modèle qui pourra être ensuite utilisé pour obtenir des connaissances dont on espère qu’elles pourront servir à des applications. Donc le choix, c’est aussi entre développer ce genre de modèle et développer des modèles non animaux – même si ça peut vouloir dire plus de temps, plus de difficultés pour les modèles non-animaux selon ce qui est cherché. Mais moralement, ça peut valoir le coup, parce qu’au final, l’idée est de faire avancer les choses, pas seulement scientifiquement, mais aussi moralement.
Si vous trouvez que jusque-là, c’est pas assez compliqué, il y a aussi quoi qu’il en soit l’incertitude des résultats, et les énormes délais pour qu’ils donnent quelque chose. Donc
l’expérimentation animale va nous dire que c’est pour sauver des vies, pour Réduire les souffrances des humains, etc., mais concrètement, à chaque fois, on ne sait pas s’il va y avoir des résultats. Les résultats négatifs, c’est beaucoup plus courant qu’on ne croit, pour plein de raisons qui peuvent être des biais expérimentaux, le fait de se tromper dans les hypothèses, des modèles pas adaptés ou des contaminations qui faussent les résultats, et encore d’autres choses. Et même si c’est moins souvent publié parce que les gens ont l’impression qu’un résultat négatif veut dire que c’est pas intéressant par exemple, ça implique qu’il y a plein d’expérimentations animales qui se soldent simplement par la découverte que ce qu’on croyait avoir trouvé, ce sur quoi on faisait reposer des espoirs, n’est pas vrai et ne mènera à rien. Comme dans n’importe quelle recherche en fait. Et ça implique d’autres recherches, d’abord pour avoir les connaissances fondamentales qui permettent d’émettre des hypothèses thérapeutiques, ensuite pour mettre à l’épreuve les hypothèses thérapeutiques, et ensuite pour tester si ces hypothèses ont donné quelque chose qui peut être appliqué et commercialisé pour les humains. Donc quand on dit que l’expérimentation animale sauve des vies, qu’elle a « permis » des grandes découvertes, c’est des affirmations dont on ne peut pas vérifier la validité. Ou alors, il faudrait des méthodologies sacrément robustes, parce que c’est pas avec des listes de prix Nobel qu’on peut deviner ce qu’aurait été l’histoire si les réglementations avaient été différentes. Donc c’est juste de la poudre aux yeux quand on veut nous faire croire qu’en « sacrifiant » ces animaux on est sûr d’avoir des résultats. Parce que si on prend conscience du taux « d’échec » relatif en recherche, ça sonne tout de suite moins favorable à l’expérimentation animale. En fait, contrairement à des recherches en sociologie ou en musicologie, dans lesquelles on fait généralement de mal à personne avec un projet de recherches, ben là, on fera systématiquement du mal aux animaux utilisés. Donc les résultats négatifs, les délais pour aboutir ou non à quelque chose de concret, les conflits d’intérêt, les gros soucis de méthodologie qui ont plein de déterminants, tout ça aussi, c’est à prendre en compte là-dedans, plutôt que de rester sur un message simpliste du genre « c’est un mal nécessaire ». Parce que ce message-là, il empêche toute réflexion morale, comme si on avait résolu la question morale et qu’il n’y avait plus besoin d’y réfléchir. — D’autant que, sur le schéma, vous voyez tous ces gens qui vont mourir ou souffrir, partout – même dans le meilleur des cas, parce qu’il y a des facteurs qu’on ne contrôle pas. — Maintenant, pour retourner au cœur du questionnement, justement, il y a les critères :
pourquoi on aurait le droit de faire des expérimentations sur des animaux, même juste dans certaines conditions, même seulement sur des animaux élevés pour ça, alors qu’on n’a absolument jamais le droit de faire ça à des humains quand ça ne peut pas leur apporter un bénéfice personnel ou qu’ils ne sont pas consentants ? Pourquoi on aurait le droit d’élever ces animaux pour ça, justement, mais pas des humains, alors que scientifiquement c’est quelque chose qui permettrait plein d’avancées ? (Je vous rassure, je suis contre, hein.) Mais, là, cette distinction, c’est factuellement une situation de
discrimination arbitraire. On va faire souffrir et tuer des souris, des vaches, des lapins, des poissons-zèbres, des chiens, des macaques, des lézards, des rats, pour éviter de faire le moindre mal à des personnes humaines, pour des recherches sur des choses qui ne concernent que la santé ou le confort des personnes humaines. Donc, si vous êtes antiréaliste moral, nihiliste version « il n’y a pas de morale objective, il ne faut pas de prescription morale », ça veut dire que vous devrez vous positionner pareil sur toutes les autres questions de discrimination, d’exploitation, de souffrances – et vous n’aurez pas plus de position morale sur l’expérimentation humaine que sur l’expérimentation animale. Et pourquoi pas, si c’est le cas et que vous avez réfléchi à la question, vous avez le droit à cette position. Mais ici, si on veut bien se poser la question morale, si on veut bien croire qu’il est souhaitable d’avoir des prescriptions morales communes, il faut savoir si cette discrimination factuelle, qu’il y a là, est basée sur un critère pertinent ou pas. Les vaches n’ont pas le droit de vote alors que nous oui. Ça c’est ok, elles peuvent pas comprendre notre système de vote. Ça veut pas dire qu’il ne faut pas que la politique les prenne en compte, mais c’est justifié qu’on ne leur donne pas le droit de vote, au même titre qu’on ne va pas me donner le droit à l’avortement, parce que je n’en aurai jamais besoin parce que je n’ai pas d’utérus. — Par contre, les souris peuvent être mises en boite pendant toute leur vie, peuvent être empoisonnées, rendues malades, manipulées, reproduites de manière sélective pour obtenir des génomes particuliers, alors que nous non. Ça, sur quoi ça se base ? On est dans une grosse situation d’injustice tant qu’on n’a pas une réponse très claire, très argumentée à ça. Et pas seulement « on est humains on a un passe-droit généralisé ». Et pas seulement des critères indirects comme l’intelligence, parce qu’on n’accepterait jamais, j’espère, d’utiliser l’intelligence pour justifier moralement une ségrégation entre les personnes humaines. — Le problème qu’on va avoir, dans cette situation, c’est que le public,
il est au milieu, là. On parle d’un choix éclairé, les gens qui défendent l’expérimentation animale vont parler de « choix de société », mais en fait le choix, il n’est pas éclairé et c’est même pas un choix. Et ces gens qui défendent l’expérimentation animale, ils cherchent pas une réflexion morale qui pourrait radicalement remettre en cause leurs pratiques actuelles et passées, ce qui se comprend très bien, c’est plus confortable de pouvoir réfléchir à l’intérieur d’un cadre qui accepte par défaut nos pratiques. Et le truc, c’est que rien que ça, rien que le cadre existant, il devrait déjà impliquer de changer les pratiques – c’est là que le CNREEA, dont j’ai parlé tout à l’heure, le comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale, il va prendre pour une réflexion morale le fait de faire des recommandations sur l’amputation de phalange ou la restriction hydrique, alors que concrètement, c’est juste l’application du troisième R, du Raffinement… Donc on fait semblant de prendre en compte les intérêts des animaux comme on prend en compte ceux des humains – genre « l’amputation de phalanges c’est autorisé que quand c’est la meilleure solution qui existe pour l’animal, pour éviter de le stresser à répétition en le manipulant pour le re-marquer au feutre quand ça s’efface ». Mais tout ce que ça dit moralement, ça, c’est qu’on ne fait pas exactement ce qu’on veut, mais que par défaut, on a le droit de les avoir en captivité, on a le droit de les élever de manière sélective en choisissant leur génome, on a le droit de les utiliser pour nos propres fins, et c’est que dans ce tout petit cadre-là qu’on réfléchit à leur faire une vie moins stressante que ce qu’elle pourrait être.
Conclusion
Du coup, réponse, est-ce qu’on peut parler d’éthique en expérimentation animale ? Oui, clairement, mais il faut savoir de quoi on parle. Et si on veut vraiment parler de réflexion éthique, alors il suffit pas d’invoquer les comités d’éthique, qui ne servent clairement pas à ça et qui n’ont pas l’expertise pour, en tout cas actuellement. Et il suffit pas d’invoquer le CNREEA, qui se réunit une fois par an pendant quelques heures et n’arrive même pas depuis dix ans à appliquer la réglementation en termes de contrôle de l’activité des comités d’éthique. Il faut avoir une vraie discussion morale de fond, en dehors des caricatures comme quoi la recherche disparaitrait et comme quoi on retournerait au Moyen-Âge si on arrêtait aujourd’hui l’expérimentation animale. Et pour avoir une réflexion de fond, il faut déjà savoir quels sont nos objectifs. Parce que si l’objectif, c’est juste de parler d’éthique, c’est sûr que jusqu’ici, les défenseurs de l’expérimentation animale s’en sortent plutôt bien. Merci.