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TA Bordeaux, jugement n°2005878 du 30/06/2022 (Nicolas Marty c. DDPP24)

Les rapports d’inspection sont communicables en n’occultant que l’identification des personnes physiques, sans occulter l’adresse des établissements ni les non-conformités. Les craintes de sécurité ne sont pas caractérisées.

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 2005878 du 3 mai 2022, le magistrat désigné, avant de statuer sur la requête de M. C A tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du préfet de la Dordogne refusant de lui communiquer  » le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département  » et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint au préfet de communiquer ces documents, a ordonné un supplément d’instruction tendant à la production par le préfet de la Dordogne de ces documents au seul tribunal, sans aucune occultation mais avec indication des occultations souhaitées par le préfet.

Les trois rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale situés sur le département de la Dordogne ont été produits par le préfet de la Dordogne et enregistrés au greffe du tribunal le 23 mai 2022, sans que communication de ces documents soit adressée à M. A, conformément aux motifs du jugement avant dire droit du 3 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Béroujon, premier conseiller, pour statuer sur le litige en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. D ;

– les conclusions de Mme Prince-Fraysse, rapporteure publique ;

– et les observations de Mme B, pour le préfet de la Dordogne.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration :  » Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. « . Aux termes de l’article L. 311-5 de ce code :  » Ne sont pas communicables : () 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / () / d) A la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations ; / () « . Selon l’article L. 311-6 du même code :  » Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ; / () /3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice () « . Enfin, l’article L. 311-7 de ce code dispose :  » Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions « .

2. Il résulte de ces dispositions qu’un document administratif détenu par une collectivité publique est soumis au droit d’accès prévu par l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous les réserves prévues par les articles L. 311-5 et l’article L. 311-6 et, le cas échéant, dans les conditions prévues à l’article L. 311-7 du même code. En application de ces dispositions doivent ainsi être disjoints ou occultés les éléments dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente, à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature ou à la protection de la vie privée de personnes ou lorsque ces éléments portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou font apparaître le comportement d’une personne dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, sauf à ce que ces disjonctions ou occultations privent d’intérêt la communication de ce document.

3. Le préfet de la Dordogne soutient que la communication des rapports litigieux non occultés est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes au sens du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration en raison des risques importants de représailles, tant à l’encontre d’établissements pratiquant l’expérimentation animale que des personnes qui y travaillent, de la part de certaines associations d’activistes pour la protection animale avec lesquelles M. A entretiendrait publiquement des liens étroits. Toutefois, le préfet n’établit pas, en l’espèce, le risque qu’il allègue pour la sécurité des locaux et des biens ainsi que pour celle des personnes physiques y exerçant une activité professionnelle en cas de divulgation, notamment, de l’identité des établissements en cause, de leur lieu d’implantation, des espèces d’animaux concernés ainsi que de la nature et de la gravité des non-conformités relevées tant au plan technique qu’administratif.

4. En revanche, la protection de la vie privée des personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans des établissements qui accueillent des expérimentations sur les animaux ainsi que celle des rédacteurs des rapports dont la communication est sollicitée commande l’occultation de leurs identités et de tout élément de nature à permettre leur identification, en vertu des dispositions des articles L. 311-6 et L. 311-7 du code des relations entre le public et l’administration.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé de lui communiquer les trois derniers rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale situés sur le département de la Dordogne, en occultant dans ces documents les mentions relatives à l’identité des personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans les établissements contrôlés ainsi que celle des rédacteurs des rapports et de tout élément de nature à permettre leur identification.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

6. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative :  » Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public () prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution « . Aux termes de l’article L. 911-3 du même code :  » Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l’injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d’une astreinte qu’elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d’effet « .

7. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé que l’exécution du présent jugement implique nécessairement que le préfet de la Dordogne communique à M. A les trois derniers rapports d’inspection litigieux, après avoir occulté dans chacun de ces documents, les mentions permettant l’identification des personnes physiques exerçant leur activité professionnelle au sein des établissements et des inspecteurs ayant effectué ces contrôles. Il y a lieu, dès lors, d’ordonner au préfet de procéder à ces diligences dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite de rejet par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé communiquer à M. A les trois rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale situés sur le département de la Dordogne, n° 20-074747, n° 20-036706 et n° 503314952362, est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne de communiquer à M. A, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, les trois rapports d’inspection mentionnés à l’article précédent, après avoir occulté les mentions permettant l’identification des personnes physiques exerçant leur activité professionnelle au sein des établissements et des inspecteurs ayant effectué ces contrôles.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et au préfet de la Dordogne.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.