Les rapports d’inspection et leurs suites administratives (courriers, mises en demeure…) sont communicables sous réserve des occultations liées à l’article L.311-6 du CRPA (sans plus de précision). Les suites et sanctions pénales ne sont pas communicables en raison de l’article L.311-5 2° f) du CRPA.
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2022, complétée par un mémoire enregistré le 20 janvier 2023, M. Nicolas Marty demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a refusé de lui communiquer les documents relatifs aux procédures administratives et pénales engagées suite aux inspections diligentées depuis 2017 dans les établissements d’expérimentation animale ;
2°) d’enjoindre au ministère de l’agriculture et de l’alimentation de lui communiquer les documents sollicités, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il soutient que :
– la décision méconnaît les articles L. 300-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration ;
– l’ensemble des documents sollicités, y compris ceux de nature juridictionnelle sont, en effet, des documents communicables au sens des dispositions de la loi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
– l’avis n° 20214234 du 2 septembre 2021 de la commission d’accès aux documents administratifs ;
– les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ; – le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de M. xxx,
– les conclusions de Mme xxx, rapporteure publique, – les observations de M. Marty,
– le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire n’était pas présent, ni représenté.
Considérant ce qui suit :
1. Le 25 mai 2021, M. Nicolas Marty a sollicité du ministère de l’agriculture et de l’alimentation la communication de l’ensemble des documents relatifs aux procédures administratives et pénales engagées suite aux inspections diligentées depuis 2017 dans les établissements d’expérimentation animale. En l’absence de réponse à sa demande, M. Marty a saisi la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui a rendu un avis favorable le 2 septembre 2021 pour les seuls documents administratifs sollicités, à l’exclusion des documents de nature juridictionnelle. Par la présente requête, M. Marty demande au tribunal l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a refusé de lui communiquer l’ensemble des documents sollicités.
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 300-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ». Aux termes de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ». Aux termes de l’article L. 311-6 du même code : « Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires (…) ; 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ». Aux termes de l’article L. 312-1-2 du même code : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L. 312-1 ou L. 312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d’application des articles L. 311-5 ou L. 311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement permettant d’occulter ces mentions (…). Enfin aux termes de l’article L. 311-7 du même code : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ».
3. En l’espèce, il n’est pas sérieusement contesté que l’ensemble des documents ayant trait aux suites administratives des contrôles opérés depuis 2017 dans les établissements d’expérimentation animale, notamment les rapports d’inspection à l’origine des contrôles, les correspondances ou encore les mises en demeure, constituent des documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Ils sont, par suite, communicables de plein droit au requérant en application de l’article L. 311-1 du même code, sous les réserves énoncées au point 2.
4. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 311-5 du code précité : « Ne sont pas communicables (..) – 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : f) Au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente ».
5. Il résulte des dispositions précitées que si les documents qui composent un dossier administratif et qui sont antérieurs à la saisine du procureur de la République sont des documents administratifs communicables, même s’ils sont transmis à l’autorité judiciaire pour information, il en va autrement des documents élaborés par une administration dans le but d’une saisine du procureur de la République. Ces documents ne constituent pas des documents administratifs entrant dans le champ du livre III du code des relations entre le public et l’administration.
6. En l’espèce, contrairement à ce que soutient le requérant, l’ensemble des documents ayant trait aux suites juridictionnelles des contrôles opérés dans les établissements d’expérimentation animale, notamment les procès-verbaux transmis au procureur de la République, les décisions du parquet ou encore les mémoires et observations des parties, constituent des documents dont la communication empièterait sur les compétences et prérogatives du juge dans la conduite d’une procédure et porterait atteinte au déroulement de celle-ci. Il s’ensuit qu’en estimant que la communication de ces documents serait de nature à porter atteinte aux procédures juridictionnelles en cours, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation n’a pas commis d’erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que M. Marty est fondé à demander l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle a refusé de lui communiquer les seuls documents relatifs aux procédures administratives engagées suite aux inspections diligentées depuis 2017 dans les établissements d’expérimentation animale.
Sur les conclusions aux fins d’injonction sous astreinte :
8. Aux termes de l’article L.911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure ».
9. Eu égard au motif d’annulation retenu, l’exécution du présent jugement implique que seuls les documents relatifs aux procédures administratives engagées suite aux inspections diligentées depuis 2017 dans les établissements d’expérimentation animale soient communiqués à M. Marty. Il y a lieu, par suite, d’enjoindre au ministre de l’agriculture de la souveraineté alimentaire de lui communiquer sous format électronique les documents en cause et ce, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
DECIDE :
Article 1er : La décision implicite du ministre de l’agriculture et de l’alimentation est annulée en ce qu’elle a refusé de communiquer à M. Marty les documents relatifs aux procédures administratives engagées suite aux inspections diligentées depuis 2017 dans les établissements d’expérimentation animale.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire de communiquer à M. Marty, dans un délai de deux mois, sous réserve des occultations justifiables au titre du respect des intérêts protégés par les dispositions de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, la copie numérique des documents visés à l’article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Marty est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et au ministre de l’agriculture de la souveraineté alimentaire.
Délibéré après l’audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.