Les rapports d’inspection sont communicables en n’y occultant que l’identité des personnes physiques. Les craintes de sécurité et de préjudice ne sont pas caractérisées.
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 17 décembre 2020, le 21 avril 2021, le 29 septembre 2021 et le 15 décembre 2021, M. B A doit être regardé comme demandant au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 25 novembre 2020 par laquelle la direction de l’environnement, de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt de Guyane a rejeté sa demande de communication du dernier rapport d’inspection de l’établissement d’expérimentation animale situé dans le département ;
2°) d’enjoindre à la direction de l’environnement, de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt de Guyane de lui communiquer, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le rapport d’inspection de l’établissement concerné, dans lequel ne seront occultés ni le nom de l’établissement, ni les dates d’inspection de ce rapport, ni les intitulés de la grille d’inspection, ni les niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires.
Il soutient que :
– la direction de l’environnement, de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt en Guyane n’était pas compétente territorialement pour refuser de lui communiquer les documents demandés ;
– la décision est insuffisamment motivée ;
– elle méconnaît les dispositions des articles L. 300-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration dès lors que le refus de communication porte atteinte au droit des justiciables d’avoir accès aux documents administratifs ;
– elle est illégale dès lors qu’elle lui oppose l’absence de rapport établi au cours » des dernières années » alors que sa demande ne se limitait pas à cette période mais tendait à la communication du dernier rapport ;
– sa demande ne présente pas de caractère abusif ;
– la communication du rapport ne porterait atteinte ni à la sécurité publique ni à celle des personnes et ne porterait pas préjudice aux personnes morales et physiques concernées. ;
– le document est communicable avec l’occultation des noms des membres du personnel de l’établissement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2021, le préfet de la Guyane conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les conclusions à fin d’injonction présentées par le requérant sont irrecevables en l’absence de demande formulée en conformité avec l’avis de la commission d’accès aux documents administratifs et que les moyens soulevés par ce dernier ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 mars 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 4 avril 2022 à 12 heures 00.
M. A a produit un mémoire le 26 août 2022, qui n’a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme C ;
– les conclusions de M. Hégésippe, rapporteur public ;
– et les observations de Mme D, représentant le préfet de la Guyane.
M. A n’étant ni présent ni représenté.
Considérant ce qui suit :
1. M. A, a sollicité, par un courriel du 21 mai 2020 adressé à la direction de l’environnement de l’agriculture et de l’alimentation et de la forêt (DEAAF) de Guyane, la communication du dernier rapport d’inspection des laboratoires d’expérimentation animale situés dans le territoire. En l’absence de réponse de l’administration, il a saisi la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) d’une demande d’avis sur la communication de ce document le 27 juillet 2020. Le 29 octobre 2020, la CADA a émis un avis favorable à la communication du rapport d’inspection, sous réserve de l’occultation préalable » des mentions relevant du secret de la vie privée ou du secret des affaires, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d’une personne physique dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice « . Par un courrier du 25 novembre 2020, notifié à l’intéressé le 8 décembre 2020, la DEAAF a cependant rejeté la demande de communication du rapport d’inspection des laboratoires d’expérimentation animale au motif qu’elle n’a pas réalisé d’inspection » ces dernières années « . Par la présente requête, M. A doit être regardé comme demandant au tribunal d’annuler la décision du 25 novembre 2020 portant rejet de sa demande de communication de documents administratifs.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Guyane :
2. Le préfet de la Guyane fait valoir que les conclusions à fin d’injonction présentées par M. A sont irrecevables en l’absence de demande formulée en conformité avec l’avis de la CADA. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que le requérant a certes sollicité la communication du dernier rapport d’inspection des établissements d’expérimentation animale du département dans lequel ne seront occultés ni le nom de l’établissement, ni les dates d’inspection de ce rapport, ni les intitulés de la grille d’inspection, ni les niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires, toutefois, et alors que les réserves formulées par la CADA n’ont pas eu pour effet de restreindre sa demande à la communication d’une version occultée dudit rapport, le préfet de la Guyane n’est pas fondé à soutenir que les conclusions à fin d’injonction de la requête sont irrecevables. La fin de non-recevoir doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
3. Aux termes de l’article L. 300-1 du code des relations entre le public et l’administration : » Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. « . Aux termes de l’article L. 311-5 du même code : » Ne sont pas communicables : / 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte :/ d) A la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations ; (). « . L’article L.311-6 du même code dispose : » Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée () et au secret des affaires () / 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; / 3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. « . Enfin aux termes de l’article L. 311-7 dudit code : » Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. »
4. Il résulte des dispositions citées au point précédent qu’un document administratif détenu par une collectivité publique est soumis au droit d’accès prévu par l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous les réserves notamment prévues par les d), f) et g) de l’article L. 311-5 et l’article L. 311-6 et, le cas échéant, dans les conditions prévues à l’article L. 311-7 du même code. En application de ces dispositions doivent ainsi être disjoints ou occultés les éléments dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente, à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature ou à la protection de la vie privée de personnes ou lorsque ces éléments portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou font apparaître le comportement d’une personne dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, sauf à ce que ces disjonctions ou occultations privent d’intérêt la communication de ce document.
5. D’une part, pour refuser de communiquer à l’intéressé le rapport sollicité, la DEAAF lui oppose l’absence d’inspections réalisées dans l’établissement utilisant des animaux à des fins expérimentales, situé en Guyane, » ces dernières années « . Il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande de M. A ne portait pas uniquement sur la période récente mais sur la communication du dernier rapport, quelle que soit sa date. Dès lors que l’existence de rapports antérieurs n’est pas contestée en défense, le préfet reconnaissant nécessairement l’existence d’un tel rapport en justifiant le refus par un autre motif tenant aux risques encourus par la communication de celui-ci, le requérant est fondé à soutenir que la DEAAF ne pouvait se limiter aux rapports établis sur la période récente.
6. D’autre part, si le préfet soutient, pour justifier le refus de communication, que la demande de M. A est abusive, il n’établit pas que cette dernière ferait peser sur l’administration une charge excessive ou viserait à en perturber le fonctionnement alors même qu’il ressort des termes de la décision en litige qu’il n’existe qu’un seul établissement d’expérimentation animale en Guyane. Par ailleurs, la circonstance, alléguée par le préfet, qu’il existe, notamment à travers les associations antispécistes, des risques de représailles ou d’intrusion ne suffit pas à regarder la communication du rapport d’inspection comme étant de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. De même, les personnes morales qui accueillent des expérimentations sur les animaux et les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans de tels établissements ne peuvent pas être regardés comme ayant, en ces seules qualités, un comportement tel que la simple divulgation de leur identité serait, par elle-même, susceptible, de leur porter préjudice.
7. Toutefois, les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans des établissements qui accueillent des expérimentations sur les animaux ont droit à la protection de leur vie privée. Le préfet de la Guyane fait donc valoir à bon droit que l’identification de ces personnes doit être occultée sur le fondement des articles L. 311-6 et L. 311-7 du code des relations entre le public et l’administration. Il n’est cependant pas établi qu’une telle occultation aurait pour effet de priver d’intérêt la communication du rapport litigieux.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l’annulation de la décision du 25 novembre 2020 par laquelle la DEAAF de Guyane a refusé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de l’établissement d’expérimentation animale situé dans le département.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
9. Eu égard au motif d’annulation retenu, l’exécution du présent jugement implique que le document administratif précité soit communiqué à M. A avec occultation des mentions permettant l’identification des personnes physiques exerçant leur activité professionnelle au sein de cet établissement. Il y a lieu, par suite, d’enjoindre au préfet de la Guyane de lui communiquer ledit rapport ainsi occulté dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 25 novembre 2020 de la direction de l’environnement, de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt de Guyane portant refus de communication du dernier rapport d’inspection de l’établissement d’expérimentation animale est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la direction de l’environnement, de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt de Guyane de communiquer à M. A, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, le dernier rapport d’inspection de l’établissement d’expérimentation animale situé dans ce département, après occultation des mentions relatives à l’identification des personnes physiques exerçant leur activité professionnelle au sein de cet établissement.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B A, à la direction de l’environnement, de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt de Guyane et au préfet de la Guyane.
Délibéré après l’audience du 28 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martin, président,
Mme Schor, première conseillère,
Mme Deleplancque, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.