Les rapports d’inspection sont communicables en occultant l’identité des personnes physiques (employées par les établissements et réalisant les inspections). Les craintes de sécurité exprimées par la préfecture ne sont pas suffisamment caractérisées.
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoire complémentaires enregistrés les 21 décembre 2020, 2 juin 2021 et 29 septembre 2021, M. Nicolas Marty demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui communiquer les derniers rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale du département et les dates des inspections précédentes de ces établissements ;
2°) d’enjoindre à cette autorité administrative de lui communiquer les rapports sans occultation des noms des établissements, ni des dates d’inspection, ni des intitulés de la grille d’inspection ou des niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il soutient que :
– l’auteur de la décision attaquée n’était pas compétent territorialement pour prendre cette mesure ;
– la décision est entachée d’un défaut de motivation ;
– le refus implicite attaqué contrevient à la législation sur l’accès aux documents administratifs et porte atteinte au droit de chaque justiciable de disposer d’un accès à ces documents.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de des relations entre le public et l’administration ; – le code de justice administrative.
Vu :
– l’avis n°20202226 du 29 octobre 2020 de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) ;
– les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ; – le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative ;
La présidente du tribunal a désigné M. xxx pour statuer en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de M. xxx ;
– les conclusions de M. xxx, rapporteur public ; – et les observations de M. Marty, requérant.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courriel en date du 7 mai 2020, M. Marty a adressé à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) de la Vienne une demande de communication des derniers rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale de ce département et des dates des inspections précédentes. En l’absence de réponse, l’intéressé a saisi le 27 juillet 2020 la Commission d’accès aux documents administratifs qui, le 29 octobre 2020, a rendu un avis favorable sous réserves à la communication des rapports sollicités et estimé qu’elle était incompétente pour se prononcer sur la communication des dates des inspections précédentes. Le directeur précité a de nouveau conservé le silence après la notification de cet avis, malgré une nouvelle saisine de l’intéressé, et ainsi fait naître, à l’expiration du délai réglementairement prévu, une décision implicite confirmant le refus de communication initialement opposé, et se substituant à ce refus. Le requérant demande au tribunal d’annuler cette dernière décision.
Sur les conclusions en annulation :
2. D’une part, aux termes de l’article L. 300-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Le droit de toute personne à l’information est précisé et garanti par les dispositions des titres Ier, III et IV du présent livre en ce qui concerne la liberté d’accès aux documents administratifs. ». Aux termes de l’article L. 300-2 du même code : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par (…) les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions. / (…) ». Selon l’article L. 311-1 de ce même code : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ».
3. D’autre part, aux termes de l’article L. 311-7 du même code : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ».
En ce qui concerne la communication des dates des inspections précédentes :
4. Si les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l’administration garantissent à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, il ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle porte refus de communication des dates des inspections précédentes doivent être rejetées.
En ce qui concerne la communication des rapports d’inspection :
5. Un document administratif détenu par une collectivité publique est soumis au droit d’accès prévu par l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous les réserves notamment prévues par les d), f) et g) de l’article L. 311-5 et l’article L. 311-6 et, le cas échéant, dans les conditions prévues à l’article L. 311-7 du même code. En application de ces dispositions doivent ainsi être disjoints ou occultés les éléments dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente, à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature ou à la protection de la vie privée de personnes ou lorsque ces éléments portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou font apparaître le comportement d’une personne dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, sauf à ce que ces disjonctions ou occultations privent d’intérêt la communication de ce document.
6. Pour apprécier le caractère communicable de documents administratifs, le juge doit rechercher si, en raison des informations qu’ils contiennent, la divulgation de ces documents risque de porter atteinte à la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes et si une communication partielle ou après occultation de certaines informations est, le cas échéant, possible.
7. D’une part, la préfète de la Vienne ne conteste pas l’existence de rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale établis par la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de ce département. D’autre part, la préfète fait valoir que, compte tenu d’oppositions fortes à la conduite d’expérimentations sur les animaux, il existe un risque à la communication des documents sollicités tenant à l’identification des établissements concernés et à la survenance d’intrusions dans ces établissements. Toutefois, en se bornant à produire des articles de presse datés du 22 octobre 2018 concernant une manifestation pacifique de membres de l’association « Libération animale 86 » devant l’abattoir de Lusignan, du 11 novembre 2019 relatif à la présence de ces membres à la manifestation « La ferme d’invite » tenue à Poitiers et du 21 septembre 2016 au sujet de la diffusion par l’association « L 214 » d’une vidéo relative à l’abattage de moutons à l’occasion de l’Aïd el Kebir et de l’intrusion dans un abattoir de militants de cette association, la préfète n’établit pas la réalité de ce risque. M. Marty est dès lors fondé à demander la communication des documents administratifs en cause et, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés, l’annulation de la décision attaquée lui refusant cette communication.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’identité des personnes morales et physiques figurant dans les rapports d’inspection devraient en l’espèce être occultés en application des dispositions des d), f) et g) de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration. Toutefois, les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans des établissements qui accueillent des expérimentations sur les animaux ont droit à la protection de leur vie privée. Dans ces conditions et dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’enjoindre à la préfète de la Vienne de communiquer les documents demandés après avoir occulté, dans chacun d’eux, les mentions relatives à l’identification des personnes nommément désignées, y compris l’inspecteur ayant exercé le contrôle, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
D E C I D E :
Article 1er : La décision de la préfète de la Vienne est annulée en tant qu’elle refuse de communiquer à M. Marty les rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale de la Vienne.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Vienne de communiquer à M. Marty les rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale de ce département après occultation des mentions relatives à l’identification des personnes nommément désignées, y compris l’inspecteur ayant exercé le contrôle, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Une copie de ce jugement sera transmise, pour information, à la préfète de la Vienne.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.
Vu la procédure suivante :
M. B A a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d’une part, d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui communiquer les derniers rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale du département et les dates des inspections précédentes de ces établissements et, d’autre part, de lui enjoindre, dans un délai de quinze jours et sous astreinte, de communiquer ce rapport sans occulter le nom des établissements, ni les dates d’inspection et de rapport, ni les intitulés de la grille d’inspection, ni les niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires. Par un jugement n° 2003131 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision de la préfète de la Vienne en tant qu’elle refuse de communiquer à M. A les rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale de la Vienne, lui a enjoint de communiquer à M. A les rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale de ce département après occultation des mentions relatives à l’identification des personnes nommément désignées dans un délai de deux mois et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par un pourvoi sommaire, enregistré le 31 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. A.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Le premier alinéa de l’article R. 822-5 du code de justice administrative dispose que : » En cas de désistement avant l’admission du pourvoi, ou si le requérant est réputé s’être désisté en application de l’article R. 611-22, le président de la chambre donne acte du désistement par ordonnance « . Cette procédure ne nécessite ni instruction contradictoire préalable, ni audience publique.
2. Aux termes de l’article R. 611-22 du code de justice administrative : » Lorsque la requête ou le recours mentionne l’intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n’est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s’être désisté à la date d’expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d’Etat donne acte de ce désistement « .
3. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, dans son pourvoi sommaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 31 mars 2022, a exprimé l’intention de produire un mémoire complémentaire. A la date de la présente ordonnance, le délai imparti par les dispositions précitées est expiré. Aucun mémoire complémentaire n’a été produit avant l’expiration de ce délai. Ainsi, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation doit être réputé s’être désisté de son pourvoi. Il y a lieu, par suite, de donner acte de ce désistement d’instance.
ORDONNE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement d’instance du ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée à M. B A.
Fait à Paris, le 2 décembre 2022