Les rapports d’inspection sont communicables sans occulter le nom des établissements. Les craintes de sécurité et de préjudice ne sont pas caractérisées.
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 6 janvier, 15 avril et 29 septembre 2021, M. Nicolas Marty demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision implicite par laquelle la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de l’Oise a rejeté sa demande de communication du dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans ce département ;
2°) d’enjoindre à la direction départementale de la protection des populations de lui communiquer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans le département de l’Oise, sans occultation des noms des établissements, des dates des inspections, et des rapports, des intitulés de la grille d’inspection, des niveaux de conformité et des commentaires.
Il soutient que :
– la direction départementale de la protection des populations de l’Oise n’est pas compétente pour décider de la communication des documents demandés ;
– la décision est entachée d’un défaut de motivation ;
– il n’y a pas d’atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes ;
– la communication des documents demandés ne porte pas préjudice aux personnes ;
– il n’y a pas d’atteinte au secret des affaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2021, la préfète de l’Oise conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. Marty ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 1* octobre 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 12 novembre 2021.
M. Marty a produit un mémoire le 12 janvier 2022.
Vu:
– les autres pièces du dossier.
Vu:
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné xxx en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de xxx rapporteure,
– et les conclusions de xxx rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. Marty a sollicité par courriel du 7 mai 2020 de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de l’Oise la communication du dernier rapport d’inspection de chacun des établissements situés dans ce département pratiquant l’expérimentation animale. En l’absence de réponse de la DDPP de l’Oise, M. Marty a saisi la commission d’accès aux documents administratifs, laquelle a émis, le 29 octobre 2020, un avis favorable sous réserves à la communication des derniers rapports d’inspection et s’est déclarée incompétente s’agissant des dates des inspections précédentes au motif que cette demande porte sur des renseignements. Le 1er décembre 2020, il a de nouveau sollicité la DDPP- pour obtenir la communication desdits documents. Par la présente requête, M. Marty demande au tribunal d’annuler la décision par laquelle la DDPP de l’Oise a refusé de. lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation de ce département.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. Aux termes de l’article L. 300-2du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et répanses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. (…) » Aux termes de son article L. 311-1 : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. » Aux termes de l’article L. 311-5 du même code: «Ne sont pas communicables : (…) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (..) / d) À la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations ; (…) » et de son article L. 311-6 : « Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, (…) et au secret des affaires (.) 3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. » Enfin aux termes de l’article L. 311-7 du code des relations entre le public et l’administration : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. »
3. Les rapports d’inspection dont la communication est demandée, élaborés dans le cadre des missions de service public exercées par les services vétérinaires des directions départementales en charge de la protection des populations, constituent des documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Ils sont donc soumis au droit d’accès prévu à l’article L. 311-1 de ce code, sous les réserves prévues par les articles L. 311-5 et L. 311-6 cités au point 2.
4. La préfète de l’Oise fait valoir qu’il existe, notamment à travers les associations antispécistes, des oppositions fortes à l’encontre des expérimentations menées sur les animaux et que plusieurs intrusions malveillantes ont été conduites en juin et août 2020 dans un élevage de poules pondeuses du département. Toutefois, ces affirmations ne suffisent pas à regarder la communication des rapports d’inspection des établissements menant des expérimentations sur des animaux comme étant de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, la seule communication de ces documents n’étant pas, par elle-même, de nature à favoriser des intrusions, des dégradations ou tout autre acte de malveillance à l’encontre des établissements concernés. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la préfète de l’Oise, le contexte de sensibilité sociétale accrue en matière de protection du bien-être animal ne permet pas de regarder les établissements qui mènent des expérimentations animales et les personnes physiques qui y exercent leur activité professionnelle comme ayant, en ces seules qualités, un comportement tel que la simple divulgation de leur identité serait, par elle-même, susceptible, de leur porter ‘préjudice au sens du 3° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
5. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la divulgation des mentions relatives à la dénomination et aux coordonnées des établissements, aux non-conformités relevées par les inspecteurs ou aux titres et références des projets scientifiques serait de nature à porter atteinte à -la vie privée des personnes. morales concernées ou- au secret des affaires, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
6. En revanche, les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans des établissements qui accueillent des expérimentations sur les animaux ont droit à la protection de leur vie privée, ainsi que le fait valoir la préfète de l’Oise. L’administration, par conséquent, fait valoir à bon droit que l’identification de ces personnes doit être occultée sur le fondement des dispositions des articles L. 311-6 et L. 311-7 du code des relations entre le public et l’administration.
7. Il résulte de ce qui précède que, dès lors que les occultations des mentions permettant d’identifier les personnes physiques citées dans les rapports litigieux ainsi que les rédacteurs desdits rapports n’ont pas pour effet de faire perdre tout sens aux documents dont la communication est demandée, M. Marty est fondé à demander l’annulation de la décision implicite née du silence gardé par la préfète de l’Oise sur sa demande de communication du dernier rapport d’inspection de chacun des établissements d’expérimentation animale situés dans ce département.
Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :
8. Il résulte de ce qui précède que l’exécution du présent jugement implique nécessairement que la préfète de l’Oise communique à M. Marty le dernier rapport d’inspection de chacun des établissements d’expérimentation animale situés dans le département de l’Oise, avec occultation des mentions permettant l’identification des personnes physiques exerçant leur activité professionnelle au sein de ces établissements. Il y a, dès lors, lieu d’enjoindre à la préfète d’y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. En revanche, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.
DECIDE:
Article 1 : La décision implicite par laquelle la direction départementale de la protection des populations de l’Oise a rejeté sa demande de communication du dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans ce département est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l’Oise de communiquer à M. Marty le dernier rapport d’inspection de chacun des établissements d’expérimentation animale situés dans le département de l’Oise, avec occultation des mentions permettant l’identification des personnes physiques exerçant leur activité professionnelle au sein de ces établissements dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4: Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et à la préfète de l’Oise.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2022.