Les rapports d’inspection sont communicables en y occultant l’identité des personnes physiques employées par les établissements et sans y occulter l’identité des établissements. La crainte de préjudice n’est pas caractérisée.
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2020, complétée par des mémoires complémentaires enregistrés les 15 avril 2021, 29 septembre 2021, 16 décembre 2021 et 2 mars 2022, M. Nicolas Marty demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler la décision implicite par laquelle la direction départementale des populations de Paris a refusé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département ;
2°) d’enjoindre à la direction départementale des populations de Paris de lui communiquer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département sans aucune occultation.
Il soutient que :
– la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
– cette décision méconnaît les articles L. 300-1 et suivant du code des relations entre le public et l’administration ;
– il n’y a pas d’atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes ;
– la communication des documents demandés ne porte pas préjudice aux personnes ; – il y a une obligation de transparence vis-à-vis des citoyens s’agissant de la bonne
application de la législation par les sites pratiquant l’expérimentation animale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2021, le directeur départemental de la protection des populations de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. Marty ne sont pas fondés.
Vu :
– l’avis n° 20205346 du 11 février 2021 de la commission d’accès aux documents administratifs
– les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ; – le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de M. xxx,
– les conclusions de Mme xxx, rapporteure publique, – et les observations de M. Marty.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 mai 2020, M. Nicolas Marty a sollicité de la direction départementale de la protection des populations de Paris (ci-après la DDPP) la communication des copies numériques du dernier rapport d’inspection de chacun des établissements pratiquant l’expérimentation animale situés à Paris. En l’absence de réponse de la DDPP, M. Marty a saisi la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui a rendu un avis favorable avec réserve le 29 octobre 2020. Par la présente requête, M. Marty demande l’annulation de la décision implicite par laquelle la direction départementale des populations de Paris a refusé de fournir le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département.
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
2. Aux termes de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ». Aux termes de l’article L. 311-2 du même code : « (…) L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ».
3. Il ressort des dispositions, citées ci-dessus, du dernier alinéa de l’article L. 311-2 du code des relations entre le public et l’administration que revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose.
4. Si la direction départementale de la protection des populations de Paris fait valoir en défense que la demande de M. Marty est abusive, elle n’établit, ni que la demande litigieuse serait de nature à perturber le bon fonctionnement de ses services, ni que la reproduction ou le traitement numérique des documents sollicités représenteraient, eu égard à ses moyens, un volume disproportionné ou excessif. Dans ces conditions, la direction départementale de la protection des populations de Paris n’est pas fondée à soutenir qu’elle pouvait légalement refuser de donner suite à la demande de communication de documents administratifs formée par le requérant en raison de son caractère abusif.
5. Aux termes de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. Aux termes de l’article L.311-6 du même code: « Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : /1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l’administration mentionnée au premier alinéa de l’article L. 300-2 est soumise à la concurrence ; /2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ;/3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. ».
6. Les rapports d’inspection dont la communication est demandée se rattachent directement à la mission de service public de la DDPP de Paris. Ils constituent ainsi des documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Ils sont, par suite, communicables de plein droit au requérant en application de l’article L. 311-1 du même code, sous les réserves énoncées au point 2.
7. Contrairement à ce que soutient le directeur départemental de la protection des populations de Paris, même s’il existe un contexte de sensibilité sociétale accrue en matière de protection du bien-être animal, cet élément n’est pas de nature, à lui seul, à justifier la non-communication des documents demandés. A cet égard, les personnes morales qui accueillent des expérimentations sur les animaux ne peuvent pas être regardées comme ayant, en ces seules qualités, un comportement tel que la simple divulgation de leur identité serait, par elle-même, susceptible de leur porter préjudice. En revanche, les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans des établissements qui accueillent des expérimentations sur les animaux ont toutefois droit à la protection de leur vie privée. L’administration fait donc valoir à bon droit que l’identification de ces personnes doit être occultée sur le fondement de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
8. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. Marty est fondé à demander l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle a refusé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection au jour de sa demande de chacun des établissements pratiquant l’expérimentation animale sur le territoire du département de Paris.
Sur les conclusions aux fins d’injonction sous astreinte :
9. Aux termes de l’article L.911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure. ».
10. Eu égard au motif d’annulation retenu, l’exécution du présent jugement implique que les documents administratifs précités soient communiqués à M. Marty. Il y a lieu, par suite, d’enjoindre au directeur départemental de la protection des populations de Paris de lui communiquer, en version numérique, copie des derniers rapports d’inspections pour chaque établissement pratiquant l’expérimentation médicale en occultant l’identité des personnes physiques pouvant y figurer, et ce, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
DECIDE :
Article 1er : La décision implicite du directeur départemental de la protection des populations de Paris est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au directeur départemental de la protection des populations de Paris de transmettre en format numérique à M. Marty, dans un délai de deux mois, sous réserve des occultations justifiables au respect des intérêts protégés par les dispositions de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, le dernier rapport d’inspection au jour de sa demande de chaque établissement d’expérimentation animale dans le département de Paris. Le directeur départemental de la protection des populations de Paris communiquera au greffe du tribunal copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent jugement.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et au directeur départemental de la protection des populations de Paris.
Copie en sera adressée au président de la CADA.
Délibéré après l’audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2022.