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TA Lyon, jugement n°2100090 du 02/12/2021 (Nicolas Marty c. DDPP69)

Les rapports d’inspection sont communicables en y occultant le nom des personnes physiques et des établissements au titre de risques d’intrusions et de dégradations (notamment liés à des questions de biosécurité) qui ne seraient « pas sérieusement contestés ».

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 6 janvier 2021, le 7 janvier 2021 et le 14 avril 2021, M. Nicolas Marty demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er décembre 2020 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations du Rhône a décidé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans ce département en occultant le nom de l’établissement et des passages de commentaires ;
2°) d’enjoindre au directeur départemental de la protection des populations du Rhône de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans ce département, sans occulter les noms des établissements ni des passages de commentaires, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : – sa requête est recevable ;
– la décision attaquée n’est pas motivée ;
– le refus de communiquer les documents demandés sans occulter les noms des établissements ni des passages de commentaires méconnaît l’article 311-1 du code des relations entre le public et l’administration, alors que la commission d’accès aux documents administratifs a émis un avis favorable à leur communication.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
– la requête est irrecevable car tardive ;
– M. Marty n’a pas d’intérêt à agir, dès lors que, par courrier du 1er décembre 2020, le directeur départemental de la protection des populations du Rhône lui a précisé que les documents sollicités lui seraient transmis après occultation ;
– les conclusions à fin d’injonction de la requête sont irrecevables car elles tendent à ce qu’il soit enjoint à l’administration de communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans le département du Rhône alors que, dans sa saisine de la commission d’accès aux documents administratifs, il sollicitait la communication des derniers rapports d’inspections sans autres précisions ;
– les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 29 septembre 2021 et présenté par M. Marty, n’a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l’article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ; – le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. xxx, président de la 1ère chambre, en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de M. xxx, président,
– et les conclusions de Mme xxx, rapporteure publique, – et les observations de M. Marty,
– et les observations de M. xxx, représentant le préfet du Rhône.

 

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier électronique du 7 mai 2020, M. Marty a demandé au directeur départemental de la protection des populations du Rhône de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans ce département. Le 29 octobre 2020, la commission d’accès aux documents administratifs a rendu un avis favorable sous réserves à la communication des documents sollicités. Par décision du 1er décembre 2020, le directeur départemental de la protection des populations du Rhône a décidé de communiquer les documents sollicités à M. Marty en occultant le nom de l’établissement et des passages de commentaires. Dans le dernier état de ses écritures devant le tribunal, M. Marty demande l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision du 1er décembre 2020 et qu’il soit enjoint sous astreinte au même directeur de lui communiquer lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans ce département, sans occulter les noms des établissements ni des passages de commentaires.

Sur les fins de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 112-6 du code des relations entre le public et l’administration : « Les délais de recours ne sont pas opposables à l’auteur d’une demande lorsque l’accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. Le défaut de délivrance d’un accusé de réception n’emporte pas l’inopposabilité des délais de recours à l’encontre de l’auteur de la demande lorsqu’une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l’expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite. » Selon l’article R. 343-4 de ce code : « Le silence gardé pendant le délai prévu à l’article R. 343-5 par l’administration mise en cause vaut décision de refus. » L’article R. 343-5 du même code dispose : « Le délai au terme duquel intervient la décision implicite de refus mentionnée à l’article R. 343-4 est de deux mois à compter de l’enregistrement de la demande de l’intéressé par la commission. »

3. Il est constant que la direction départementale de la protection des populations du Rhône n’a jamais accusé réception de la demande de communication de documents présentée le 7 mai 2020 par M. Marty et que celui-ci n’a jamais été informé des voies et délais de recours. Par suite, le délai de recours contentieux n’étant pas opposable à M. Marty, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée.

4. En deuxième lieu, la circonstance que, par courrier du 1er décembre 2020, le directeur départemental de la protection des populations du Rhône a informé M. Marty que les documents sollicités lui seraient transmis après occultation ne prive pas le requérant d’intérêt à agir contre cette décision du 1er décembre 2020 en ce que ledit directeur départemental, statuant sur sa demande de communication du dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans le département du Rhône, a décidé de lui communiquer les documents sollicités en occultant le nom de l’établissement et des passages de commentaires.

5. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de l’avis rendu le 29 octobre 2020 par la commission d’accès aux documents administratifs, que la demande de communication de M. Marty adressée à l’administration portait sur les derniers rapports d’inspection des établissements d’expérimentation animale situés dans le département du Rhône. Par suite, le préfet du Rhône n’est pas fondé à faire valoir que les conclusions de la requête de M. Marty tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans le département du Rhône auraient un objet différent de celui de la demande de communication présentée par l’intéressé devant l’administration.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

6. En premier lieu, aux termes de l’article L. 311-14 du code des relations entre le public et l’administration : « Toute décision de refus d’accès aux documents administratifs est notifiée au demandeur sous la forme d’une décision écrite motivée comportant l’indication des voies et délais de recours. »

7. La décision du 1er décembre 2020 est suffisamment motivée en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté comme non fondé.

8. En second lieu, aux termes de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. » Selon l’article L. 311-5 du même code : « Ne sont pas communicables : / (…) / 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (…) d) A la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations ; / (…) ». L’article L. 311-7 de ce code dispose : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. »

9. Il résulte des pièces du dossier, notamment des écritures du préfet du Rhône qui ne sont pas sérieusement contestées sur ce point par le requérant, que les rapports d’inspections conduites au sein d’établissements menant des expérimentations animales, dont la communication est demandée par M. Marty, contiennent des informations sensibles relatives aux locaux, aux personnels, aux animaux qui y sont détenus, aux activités et procédures mises en œuvre, ces établissements d’expérimentation animale utilisant en zone de confinement des agents hautement pathogènes et diffusibles tels que des coronavirus dont le virus de la covid-19, le virus Ebola, le virus de la poliomyélite, le virus de la rougeole, le virus de la rage. Dans ces conditions, la révélation d’informations permettant l’identification ou la localisation des personnes physiques ou morales pourrait faciliter la localisation de ces bâtiments ou installations et des intrusions malveillantes ou dégradations dans ces établissements et porter ainsi atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes par la dissémination dans l’environnement des agents pathogènes manipulés dans ces établissements d’expérimentations avec des conséquences sanitaires extrêmement graves et préjudiciables pour les populations humaines. Dès lors, et en application des dispositions précitées de articles L. 311-1, L. 311-5 et L. 311-7 du code des relations entre le public et l’administration, est communicable, avec occultation des mentions permettant l’identification ou la localisation des personnes physiques ou morales, le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans le département du Rhône. Par suite, M. Marty est seulement fondé à demander l’annulation de la décision du 1er décembre 2020 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations du Rhône, statuant sur sa demande de communication de documents présentée le 7 mai 2020, a décidé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans ce département en occultant des mentions autres que celles permettant l’identification ou la localisation des personnes physiques ou morales.

 

Sur les conclusions à fin d’injonction sous astreinte :

10. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le présent jugement implique seulement que soit communiqué au requérant le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans le département du Rhône, avec occultation des mentions permettant l’identification ou la localisation des personnes physiques ou morales. Il y a lieu d’enjoindre au préfet du Rhône de communiquer ces documents à M. Marty dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction de l’astreinte demandée par la requérante.

 

 

DÉCIDE :

Article 1er : Est annulée la décision du 1er décembre 2020 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations du Rhône a décidé de communiquer à M. Marty le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans ce département en occultant des mentions autres que celles permettant l’identification ou la localisation des personnes physiques ou morales.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de communiquer à M. Marty, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement, le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans le département du Rhône, avec occultation des mentions permettant l’identification ou la localisation des personnes physiques ou morales.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Marty est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

 

 

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2021.

Vu la procédure suivante :

M. B A a demandé au tribunal administratif de Lyon, d’une part, d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 1er décembre 2020 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations du Rhône a décidé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale situé dans ce département en occultant le nom des établissements et des commentaires et, d’autre part, de lui enjoindre, dans un délai de quinze jours et sous astreinte, de communiquer ce rapport sans occulter le nom des établissements ni les commentaires. Par un jugement n° 2100090 du 1er décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, enregistré le 4 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. A.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Le premier alinéa de l’article R. 822-5 du code de justice administrative dispose que :  » En cas de désistement avant l’admission du pourvoi, ou si le requérant est réputé s’être désisté en application de l’article R. 611-22, le président de la chambre donne acte du désistement par ordonnance « . Cette procédure ne nécessite ni instruction contradictoire préalable, ni audience publique.

2. Aux termes de l’article R. 611-22 du code de justice administrative :  » Lorsque la requête ou le recours mentionne l’intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n’est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s’être désisté à la date d’expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d’Etat donne acte de ce désistement « .

3. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, dans son pourvoi sommaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 4 février 2022, a exprimé l’intention de produire un mémoire complémentaire. A la date de la présente ordonnance, le délai imparti par les dispositions précitées est expiré. Aucun mémoire complémentaire n’a été produit avant l’expiration de ce délai. Ainsi, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation doit être réputé s’être désisté de son pourvoi. Il y a lieu, par suite, de donner acte de ce désistement d’instance.

ORDONNE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement d’instance du ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée à M. B A.

Fait à Paris, le 30 juin 2022