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TA Nancy, jugement n°2003298 du 20/12/2021 (Nicolas Marty c. DDPP54)

Les rapports d’inspection sont communicables en n’y occultant que le nom des personnes physiques qui y travaillent. Les craintes de préjudice et de sécurité ne sont pas caractérisées.

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 décembre 2020, le 30 janvier 2021, le 29 mars 2021 et le 29 septembre 2021 M. Nicolas Marty demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui communiquer le rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale du département sans occultation ;
2°) d’enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui communiquer sans occultation ces rapports dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient que :
– la décision est entachée d’incompétence ;
– la décision est insuffisamment motivée ;
– les documents sont des documents communicables, le refus de les communiquer est entaché d’erreur de droit ; aucun élément relatif au secret des affaires ou à la sécurité publique ne justifie un refus de communication ;
– les documents doivent être communiqués sans occultation.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu:
– le code des relations entre le public et l’administration ;
-la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
– le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
-le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. xxx en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme xxx, magistrate désignée,
– les conclusions de M. xxx, rapporteur public,
– et les observations de M. xxx, représentant le préfet de Meurthe-et-Moselle.

Considérant ce qui suit :

Sur l’étendue du litige :

1. Le 7 mai 2020, M. Marty a saisi le service de la direction départementale de la protection des populations de Meurthe-et-Moselle pour avoir communication des derniers rapports d’inspection des laboratoires d’expérimentation animale du département ainsi que les dates des inspections précédentes. Du silence gardé par le préfet de Meurthe-et-Moselle sur cette demande est née une décision implicite de rejet. Marty a alors saisi la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) par un courrier du 27 juillet 2020 afin de solliciter son avis sur la communication de ces documents. La CADA ayant estimé par un avis favorable du 29 octobre 2020 que ces documents étaient communicables, le préfet de Meurthe-et-Moselle les a adressés à M. Marty le 28 janvier 2021, en occultant cependant les éléments relatifs aux activités qui se déroulent dans ces établissements ainsi que les noms des personnes et des établissements. Par suite, il n’y a pas lieu à statuer sur les conclusions de M. Marty tendant à l’annulation de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle en tant qu’il a implicitement refusé de communiquer les mentions non occultées des rapports d’inspection des 16 janvier 2020 et 24 septembre 2020 concernant des établissements situés dans le département de Meurthe-et- Moselle.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

2. Un document administratif détenu par une collectivité publique est soumis au droit d’accès prévu par l’article L.311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous les réserves notamment prévues par les d), f) et g) de l’article L. 311-5 et l’article L. 311-6 et, le cas échéant, dans les conditions prévues à l’article L. 311-7 du même code. En application de ces dispositions doivent ainsi être disjoints ou occultés les éléments dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente, à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature ou à la protection de la vie privée de personnes ou lorsque ces éléments portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou font apparaître le comportement d’une personne dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, sauf à ce que ces disjonctions ou occultations privent d’intérêt la communication de ce document.

3. Tout d’abord, il ressort des pièces du dossier que, le 28 décembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a transmis à M. Marty deux rapports d’inspection concernant des établissements d’expérimentation animale situés sur le territoire du département de Meurthe-et-Moselle, établis dans un « contexte » de « demande d’approbation » respectivement le 16 janvier 2020 et le 24 septembre 2020 après avoir occulté, dans chacun d’eux, les mentions relatives à l’identification de l’établissement inspecté et des personnes nommément désignées, y compris l’inspecteur ayant exercé le contrôle.

4. Ensuite, contrairement à ce que soutient le préfet de Meurthe-et-Moselle, même s’il existe un contexte de sensibilité sociétale accrue en matière de protection du bien-être animal, les personnes morales qui accueillent des expérimentations sur les animaux et les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans de tels établissements ne peuvent pas être regardés comme ayant, en ces seules qualités, un comportement tel que la simple divulgation de leur identité serait, par elle-même, susceptible, de leur porter préjudice.

5. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et n’est d’ailleurs pas allégué que l’identité des personnes morales et physiques figurant dans les deux rapports d’inspection devraient en l’espèce être occultées en application des dispositions des d), f) et g) de l’article L.311-5 du code des relations entre le public et l’administration.

6. Enfin, les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans des établissements qui accueillent des expérimentations sur les animaux ont droit à la protection de leur vie privée. En occultant l’identification de ces personnes sur le fondement de l’article L.311-6 du code des relations entre le public et l’administration, le préfet de Meurthe-et- oselle n’a ainsi pas entaché la décision attaquée d’illégalité.

7. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, d’une part, les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée sont devenues sans objet en tant qu’elles concernent les mentions non occultées des rapports d’inspection établis les 16 janvier 2020 et 24 septembre 2020 et que, d’autre part, M. Marty est fondé à demander l’annulation de cette décision en tant qu’elle a refusé de communiquer les mentions relatives à l’identification de l’établissement inspecté et de l’inspecteur ayant exercé le contrôle.

8. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution ». Aux termes de l’article L.911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la Juridiction peut assortir, dans la même décision, l’injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d’une astreinte qu elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d’effet ».

9. L’exécution du présent jugement implique nécessairement que le préfet de Meurthe-et-Moselle communique à M. Marty une version des rapports d’inspection établis les 16 janvier 2020 et 24 septembre 2020 sans occultation de l’identification de l’établissement inspecté et de l’inspecteur ayant exercé le contrôle. Dès lors, il y a lieu d’ordonner au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder à ces diligences dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

DECIDE :

Article 1 : Il n’y a pas lieu à statuer sur les conclusions de M. Marty tendant à l’annulation de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle en tant qu’il a implicitement refusé de communiquer les mentions non occultées des rapports d’inspection des 16 janvier 2020 et 24 septembre 2020 concernant des établissements situés dans le département de Meurthe-et- Moselle.

Article 2 : La décision du préfet de Meurthe-et-Moselle est annulée en tant qu’elle concerne les mentions occultées, définies au point 7, des rapports d’inspection établis les 16 janvier 2020 et 24 septembre 2020.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de transmettre à M. Marty une version des rapports d’inspection établis les 16 janvier 2020 et 24 septembre 2020 comportant l’identification de l’établissement inspecté et de l’inspecteur ayant exercé le contrôle dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2021.

Vu la procédure suivante :

M. B A a demandé au tribunal administratif de Nancy, d’une part, d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui communiquer le rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale du département sans occultation et, d’autre part, d’enjoindre au préfet de lui communiquer sans occultation ces rapports dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 2003298 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision en tant qu’elle a refusé de communiquer les mentions non occultées des rapports d’inspection établis les 16 janvier et 24 septembre 2020, annulé cette décision en tant qu’elle a refusé de communiquer les mentions relatives à l’identification de l’établissement inspecté et de l’inspecteur ayant exercé le contrôle, enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de communiquer ces données à M. A dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions.

Par un pourvoi sommaire, enregistré le 22 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. A.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Le premier alinéa de l’article R. 822-5 du code de justice administrative dispose que :  » En cas de désistement avant l’admission du pourvoi, ou si le requérant est réputé s’être désisté en application de l’article R. 611-22, le président de la chambre donne acte du désistement par ordonnance « . Cette procédure ne nécessite ni instruction contradictoire préalable, ni audience publique.

2. Aux termes de l’article R. 611-22 du code de justice administrative :  » Lorsque la requête ou le recours mentionne l’intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n’est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s’être désisté à la date d’expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d’Etat donne acte de ce désistement « .

3. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, dans son pourvoi sommaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 22 février 2022, a exprimé l’intention de produire un mémoire complémentaire. A la date de la présente ordonnance, le délai imparti par les dispositions précitées est expiré. Aucun mémoire complémentaire n’a été produit avant l’expiration de ce délai. Ainsi, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation doit être réputé s’être désisté de son pourvoi. Il y a lieu, par suite, de donner acte de ce désistement d’instance.

ORDONNE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement d’instance du ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée à M. B A.

Fait à Paris, le 26 juillet 2022