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TA Strasbourg, jugement n°2100069 du 20/12/2021 (Nicolas Marty c. DDPP67)

Les rapports d’inspection sont communicables en y occultant le nom des personnes physiques (au titre du secret de la vie privée).

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 janvier, 4 août et 29 septembre 2021, M. Nicolas Marty demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui fournir le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département ;

2°) d’enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui communiquer, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département, dans lesquels ne seront occultés ni les noms des établissements, ni les dates d’inspection et de rapport, ni les intitulés de la grille d’inspection, ni les niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires, quelle que soit la date de productions de ces rapports.

M. Marty soutient que :
– la décision est insuffisamment motivée ;
– il renonce au moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée au vu des déclarations produites en défense ;
– la décision méconnaît les articles L. 300-1 et suivant du code des relations entre le public et l’administration ;
– il n’y a pas d’atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes ;
– la communication des documents demandés ne porte pas préjudice aux personnes ; – le public a le droit de savoir ce qui ne va pas dans les sites pratiquant
l’expérimentation animale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. Marty ne sont pas fondés.

Vu :
– l’avis de la commission d’accès aux documents administratifs en date du 29 octobre 2020 ;
– les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ; – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de Mme xxx
– les conclusions de M. xxx, – et les observations de M. Marty.

Considérant ce qui suit :

1. M. Nicolas Marty a sollicité de la direction départementale de la protection des populations du Bas-Rhin (ci-après la DDPP) la communication des copies numériques du dernier rapport d’inspection de chacun des établissements situés dans le Bas-Rhin pratiquant l’expérimentation animale. En l’absence de réponse de la DDPP à sa demande, M. Marty a saisi la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui a rendu un avis favorable avec réserve le 29 octobre 2020. Du silence de l’administration est née une décision implicite de rejet dont M. Marty demande l’annulation.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Aux termes de l’article L.300-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ». Aux termes de l’article L. 311-5 du même code : « Ne sont pas communicables : / 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte :/ d) A la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations ;[…] ». L’article L.311-6 du code précité dispose : « Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : /1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l’administration mentionnée au premier alinéa de l’article L. 300-2 est soumise à la concurrence ; /2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ;/3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. ». Aux termes de l’article L. 232-4 du même code : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu’à l’expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ».

3. En premier lieu, M. Marty indique expressément, dans son mémoire enregistré au greffe du Tribunal le 4 août 2021, renoncer au moyen initialement invoqué dans sa requête introductive d’instance, relatif à l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée. Il n’y a dès lors plus lieu d’y répondre.

4. En second lieu, contrairement à ce que soutient l’administration, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il existe un risque de représailles ou d’intrusion justifiant la non-communication des documents demandés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la communication de tels documents serait de nature à porter atteinte à la vie privée des personnes physiques associées aux établissements pratiquant l’expérimentation animale.

5. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. Marty est fondé à demander l’annulation de la décision lui refusant la communication des derniers rapports d’inspection des établissements pratiquant l’expérimentation animale dans le département du Bas-Rhin.

Sur les conclusions aux fins d’injonctions

6. Aux termes de l’article L.911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure. ».

7. Eu égard au motif d’annulation retenu, l’exécution du présent jugement implique que les documents administratifs précités soient communiqués à M. Marty. Il y a lieu, par suite, d’enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui communiquer sous format électronique la copie des derniers rapports d’inspections pour chaque établissement pratiquant l’expérimentation médicale en occultant l’identité des personnes physiques pouvant y figurer, et ce, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

D E C I D E :

Article 1 : La décision implicite de refus de communication des derniers rapports d’inspection pour chaque établissement pratiquant l’expérimentation animale est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de communiquer à M. Marty la copie numérique des derniers rapports d’inspection pour chaque établissement pratiquant l’expérimentation animale dans le département du Bas-Rhin en occultant l’identité des personnes physiques nommées dans ces rapports.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2021.

Vu la procédure suivante :

M. B A a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d’une part, d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui fournir le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale de son département et, d’autre part, de lui enjoindre, dans un délai de quinze jours et sous astreinte, de communiquer ce rapport sans occulter le nom des établissements, ni les dates d’inspection et de rapport, ni les intitulés de la grille d’inspection, ni les niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires. Par un jugement n° 2100069 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision, enjoint à la préfète du Bas-Rhin de communiquer à M. A les documents demandés en occultant l’identité des personnes physiques nommées dans ces rapports et rejeté le surplus des conclusions.

Par un pourvoi sommaire, enregistré le 22 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. A.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Le premier alinéa de l’article R. 822-5 du code de justice administrative dispose que :  » En cas de désistement avant l’admission du pourvoi, ou si le requérant est réputé s’être désisté en application de l’article R. 611-22, le président de la chambre donne acte du désistement par ordonnance « . Cette procédure ne nécessite ni instruction contradictoire préalable, ni audience publique.

2. Aux termes de l’article R. 611-22 du code de justice administrative :  » Lorsque la requête ou le recours mentionne l’intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n’est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s’être désisté à la date d’expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d’Etat donne acte de ce désistement « .

3. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, dans son pourvoi sommaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 22 février 2022, a exprimé l’intention de produire un mémoire complémentaire. A la date de la présente ordonnance, le délai imparti par les dispositions précitées est expiré. Aucun mémoire complémentaire n’a été produit avant l’expiration de ce délai. Ainsi, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation doit être réputé s’être désisté de son pourvoi. Il y a lieu, par suite, de donner acte de ce désistement d’instance.

ORDONNE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement d’instance du ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée à M. B A et à la préfète du Bas-Rhin.

Fait à Paris, le 26 juillet 2022