Les rapports d’inspection sont communicables en occultant uniquement les noms des personnes physiques, et du nom de l’établissement si celui-ci a des zones classées au titre de la biosécurité (A3/P3) qui impliquent des risques de sécurité.
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoire enregistrés les 4 janvier, 29 septembre et 1er décembre 2021, M. Nicolas Marty demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 2 décembre 2020 par laquelle la direction départementale de protection des populations des Alpes-Maritimes n’a pas communiqué la totalité des documents demandés et a choisi d’occulter le nom de l’établissement et des passages entiers de commentaires sur les rapports envoyés ;
2°) d’enjoindre à la direction départementale de protection des populations des Alpes-Maritimes de communiquer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, les rapports d’inspection des établissements concernés, dans lesquels ne seront occultés ni les noms des établissements, ni des passages entiers de commentaires, et dans lesquels les occultations seront réalisées de manière lisible et explicite.
Il soutient que :
– la direction départementale de protection des populations des Alpes-Maritimes n’est pas compétente pour décider de ne pas fournir le document demandé ;
– la décision d’occulter certaines mentions n’est pas motivée ;
– la direction départementale de protection des populations des Alpes-Maritimes n’a communiqué les documents demandés que pour l’année 2020 alors que la demande ne limitait pas l’intérêt pour les documents demandés à une période particulière ;
– si les occultations des noms de personnes sont justifiées, l’occultation de longs passages de commentaires ne peut se justifier dès lors qu’il est possible d’y occulter uniquement les mentions permettant d’éviter l’identification des personnes et les mentions spécifiques relevant du secret des affaires ; l’occultation du nom des établissements n’est pas justifiée ;
Par deux mémoires en défense enregistrés le 23 novembre 2021 et 16 décembre 2021, la direction départementale de protection des populations des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir à titre principal que la requête est irrecevable dès lors que six rapports ont été communiqués au requérant occultant les noms des personnes physiques et morales, les adresses des laboratoires et certaines mentions relatives à des protocoles expérimentaux et à titre subsidiaire que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance 17 décembre 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 27 décembre 2021 en application des dispositions de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu :
– l’avis 20203189 du 29 octobre 2020 de la commission d’accès aux documents administratifs ;
– les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ; – le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné Mme xxx en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative, pour statuer sur les litiges visés audit article.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de Mme xxx,
– les conclusions de Mme xxx, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courriel du 7 mai 2020, M. Nicolas Marty a sollicité auprès de la direction départementale de protection des populations des Alpes-Maritimes (DDPP06) la communication des derniers rapports d’inspection de chacun des établissements pratiquant l’expérimentation animale sur son territoire. La DDPP06 n’ayant pas répondu à sa demande, M. Marty a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, le 27 juillet 2020, qui a rendu un avis favorable sur sa demande, le 29 octobre 2020. Par un courrier du 2 décembre 2020, la DDPP06 a communiqué au requérant les rapports sollicités occultés de certaines mentions. M. Marty demande au tribunal d’annuler cette décision.
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par la DDPP06 :
2. La direction départementale de protection des populations des Alpes-Maritimes, qui a délivré à M. Marty six rapports d’inspection d’établissements pratiquant l’expérimentation animale, soutient que la requête n’a plus d’objet. Cependant, par cette délivrance, il n’a pas pleinement répondu à la demande de M. Marty dès lors que ces rapports occultent les noms des personnes physiques et morales, les adresses des laboratoires et certaines mentions relatives à des protocoles expérimentaux alors que M. Marty sollicite la communication intégrale de ces rapports, à l’exception des noms de personnes physiques dont il reconnaît qu’elle est couverte par le secret de la vie privée. Cette communication n’a donc pas rendu sans objet la requête de M. Marty. Par suite, il y a toujours lieu de statuer sur le litige.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
3. En premier lieu, si M. Marty soutient que la DDPP06 n’était pas compétente pour lui répondre, il ressort au contraire des dispositions des articles 1 et 4 du décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles que ce sont des services déconcentrés de l’Etat et que les questions sanitaires et animales relèvent de la compétence de la direction départementale de la protection des populations. Le moyen tiré de l’incompétence de la DDPP06 pour lui répondre sera écarté.
4. En second lieu, aux termes de l’article L. 311-14 du code des relations entre le public et l’administration : « Toute décision de refus d’accès aux documents administratifs est notifiée au demandeur sous la forme d’une décision écrite motivée comportant l’indication des voies et délais de recours ».
5. La décision du 2 décembre 2020 est suffisamment motivée en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté comme non fondé.
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
6. Aux termes de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. » Selon l’article L. 311-5 du même code : « Ne sont pas communicables : / (…) / 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (…) d) A la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations ; / (…) ». Aux termes de l’article L. 311-6 de ce même code : « Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ». L’article L. 311-7 de ce code dispose : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ».
7. Les rapports d’inspection dont la communication est demandée se rattachent directement à la mission de service public de la DDPP06. Ils constituent ainsi des documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Ils sont, par suite, communicables de plein droit au requérant en application de l’article L. 311-1 du même code, sous les réserves énoncées au point 6.
8. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 7 décembre 2020, la DDPP06 a transmis à M. Marty six rapports d’inspection établis au titre de l’année 2020 concernant des établissements d’expérimentation animale après avoir occulté, dans chacun d’eux, les mentions relatives à l’identification de l’établissement inspecté, des personnes nommément désignées, y compris l’inspecteur ayant exercé le contrôle et, pour deux de ces six rapports, des mentions occultées, partiellement, sur les items C06 et C08.
9. En l’espèce, le requérant ne conteste pas que l’occultation du nom des personnes physiques est justifiée par la protection de la vie privée. En outre, il ne demande pas la communication du nom des inspecteurs ayant rédigé ces rapports. Par suite, il ne sera pas statué sur ces deux points.
10. S’agissant du nom des établissements concernés, La DDPP06 justifie de leur occultation par le risque d’atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes. Elle évoque à ce titre des actions antispécistes contre l’abattoir de Puget-Théniers et le delphinarium de Marineland. La DDPP06 fait également référence au rapport parlementaire déposé le 21 janvier 2021 « sur les moyens de juguler les entraves et obstructions opposées à l’exercice de certaines activités légales ». Si ce rapport évoque l’augmentation des actions militantes en faveur de la cause animale ayant conduit à des actions d’entraves à certaines activités comme l’agriculture, l’élevage, l’abattage, la transformation, le transport et le commerce de viande et de produits d’originale animale et la chasse, à aucun moment ce rapport ne fait référence à des actions similaires dirigées contre des établissements menant des expérimentations animales. Or, l’atteinte à la sécurité publique ne se présume pas et comme le souligne la CADA dans son avis du 29 octobre 2020 « seules des informations précises et circonstanciées laissant craindre des représailles ciblées sont susceptibles de fonder un refus de communication au motif de l’atteinte à la sécurité publique ». En l’espèce, dans ses dernières écritures en date du 16 décembre 2021, la DDPP06 fait valoir qu’un des laboratoires dispose d’une zone A3 où est notamment manipulé le virus de la rage et d’une zone P3 où des recherches sont menées sur différents virus, notamment le coronavirus félin. Par suite, en l’état des éléments du dossier, la communication du nom des établissements contrôlés n’est pas susceptible de porter atteinte à la sécurité publique, à l’exception de ce seul laboratoire identifié comme disposant d’une zone A3 et d’une zone P3.
11. Quant à l’occultation ciblée de certains commentaires, la DDPP06 soutient sans être sérieusement contestée sur ce point que sur les 6 rapports d’inspection transmis, qui comportent chacun 35 points de contrôle, seuls 2 rapports portent des données occultées, partiellement, sur les items C06 et C08 qui traitent de projets scientifiques (item C06) et des protocoles mis en œuvre (item C0802). Il s’agit des rapports 20-004746 et 20-004976. Dans son courrier adressé à la CADA le 2 décembre 2020, la DDPP06 explique que ces occultations sont justifiées pour protéger le secret des affaires, notamment des procédés concernant des projets scientifiques et expérimentaux. En outre, ces occultations sont mineures et ne permettent pas de nuire à la compréhension globale du rapport. Enfin, pour chaque point d’inspection, mêmes ceux occultés, les conclusions portant sur la conformité et l’appréciation globale de l’inspecteur sont apparents. Ces occultations ciblées sont donc justifiées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. Marty est fondé à demander l’annulation de la décision de la DDPP06 du 2 décembre 2020 en tant seulement que les rapports occultent le nom des établissements concernés, à l’exception du laboratoire identifié comme disposant d’une zone A3 et d’une zone P3.
Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :
13. Aux termes de l’article L. 311-9 du code des relations entre le public et l’administration : « L’accès aux documents administratifs s’exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l’administration : / 1° Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ; / 2° Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ; / 3° Par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique (…) ».
14. L’exécution du présent jugement implique nécessairement qu’il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de communiquer à M. Marty les rapports d’inspection des établissements pratiquant l’expérimentation animale, dans lesquels ne seront pas occultés des noms des établissements inspectés, à l’exception du laboratoire disposant d’une zone A3 et d’une zone P3, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du préfet des Alpes-Maritimes du 2 décembre 2020 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de communiquer à M. Marty les rapports d’inspection des établissements pratiquant l’expérimentation animale, dans lesquels ne seront pas occultés les noms des établissements inspectés, à l’exception du laboratoire disposant d’une zone A3 et d’une zone P3.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas Marty et au préfet des Alpes-Maritimes.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.