Les rapports d’inspection sont communicables en n’y occultant que l’identification des personnes physiques (protection de la vie privée) et les descriptions des procédés de recherche (secret des affaires). Le secret des affaires ne justifie pas l’occultation des non-conformités, ni de l’identité de l’établissement. Les craintes de sécurité et de préjudice ne sont pas caractérisées. Les rapports d’inspection ne sont pas des documents préparatoires (« en l’absence de tout commencement de preuve »).
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 décembre 2020, 14 avril et 16 juin 2021, M. C B demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler la décision du 4 décembre 2020 par laquelle la directrice départementale de la protection des populations de la Haute-Garonne a refusé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale dans ce département ;
2°) d’enjoindre à la Direction départementale de la protection des populations de la Haute-Garonne (DDPP 31) de lui communiquer ces documents, sans occulter le nom des établissements, ni les dates d’inspection et de rapport, ni les intitulés de la grille d’inspection, ni les niveaux de non-conformité, ni des passages entiers de commentaires, ni les mentions relatives aux primates, dans un délai de 15 jours à compter de la date du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il soutient que :
– la DDPP 31 n’est pas compétente territorialement pour refuser de lui fournir les documents demandés ;
– la décision en litige est insuffisamment motivée ;
– elle méconnaît le droit d’accès aux documents administratifs garanti par les articles L. 300-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration ; la DDPP 31 ne peut se prévaloir de l’impossibilité matérielle d’occulter certaines mentions des documents sollicités dès lors qu’elle peut recevoir l’aide d’autres administrations ; l’occultation du nom d’un établissement n’est justifiée qu’en présence de menaces circonstanciées ; l’occultation des mentions relatives aux primates n’est pas justifiée, en l’absence de menaces circonstanciées ; le numéro de rapport, sa date, la date de sa signature et le contexte de l’inspection ne relèvent ni de la vie privée, ni du secret des affaires, et ne concernent ni une personne physique, ni son comportement ; l’occultation des intitulés de la grille d’inspection n’est pas justifiée dans la mesure où cette grille est un document public communicable ; l’occultation des niveaux de non-conformité d’un établissement ne peut être justifié qu’en présence d’une menace circonstanciée ;
– l’annulation de la décision attaquée implique nécessairement qu’il soit enjoint à l’administration de lui communiquer les documents sollicités.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er avril et 15 juin 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut à l’irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet.
Il fait valoir que :
– la requête est irrecevable en l’absence de la décision attaquée ;
– elle est irrecevable dès lors que la décision contestée répondait à une demande en partie différente de celle du 7 mai 2020 et que, par conséquent, la CADA n’a pas été saisie de cette demande ;
– le moyen tiré de l’incompétence territoriale de la DDPP 31 n’est pas fondé ;
– la demande de M. B présente un caractère abusif au sens de l’article L. 311-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) ;
– les intitulés de la grille d’inspection ont déjà été communiqués au requérant ;
– la communication des documents sollicités conduirait à compromettre la sécurité des établissements concernés ; le refus est donc fondé sur l’article L. 311-5 (2°) du CRPA ;
– les documents sollicités comportent des données spécifiques liées à des entreprises ; ils portent, directement ou indirectement, une appréciation sur des personnes physiques ; ils constituent des documents de préparation d’actes judiciaires ; ils comportent des informations relevant du secret des affaires ;
– l’occultation des données en application de l’article L. 311-7 du CRPA viderait les documents de leur substance.
Par une ordonnance du 28 mai 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 28 juin 2021.
Des mémoires enregistrés pour M. B les 29 septembre 2021, 3 janvier et 26 août 2022 n’ont pas été communiqués.
En application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative, la présidente du tribunal administratif de Toulouse a désigné M. A pour statuer sur les litiges relevant de cet article.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– l’arrêté du 1er février 2013 fixant les conditions d’agrément, d’aménagement et de fonctionnement des établissements utilisateurs, éleveurs ou fournisseurs d’animaux utilisés à des fins scientifiques et leurs contrôles ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. A,
– et les conclusions de M. Farges, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 mai 2020, M. B a demandé à la Direction départementale de la protection des populations de la Haute-Garonne (DDPP 31) de lui communiquer les rapports d’inspection des établissements utilisant des animaux à des fins scientifiques dans ce département ainsi que les dates des inspections précédentes. A la suite de la décision de refus implicite de la DDPP 31, le 27 juillet 2020, il a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Par un avis n° 20203225 du 29 octobre 2020, la CADA, d’une part, a émis un avis favorable à la communication des derniers rapports d’inspection sous certaines réserves et, d’autre part, s’est déclarée incompétente pour se prononcer sur la demande de communication des dates des inspections précédentes. Par un courriel du 1er décembre 2020, M. B a sollicité auprès de la DDPP 31 la communication des rapports précités, ainsi que des dates d’inspection précédentes dans ces établissements ou, à défaut, des rapports d’inspection précédents. Par une décision du 4 décembre 2020, la DDPP 31 a refusé cette communication. Par la présente requête, M. B demande au tribunal d’annuler cette décision et d’enjoindre à la DDPP 31 de lui communiquer les documents sollicités.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
2. En premier lieu, si le préfet oppose une première fin de non-recevoir tirée de l’absence de décision attaquée, dans la mesure où le requérant demanderait l’annulation d’une décision implicite, et non pas de la décision explicite de la DDPP 31 du 4 décembre 2020, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de la requête introductive d’instance qui demande l’annulation de cette décision explicite, qui lui est jointe, que c’est bien l’annulation de cette dernière qui est demandée par le requérant.
3. En second lieu, aux termes de l’article R. 311-15 du code des relations entre le public et l’administration : » Ainsi qu’il est dit à l’article R. 343-1 et dans les conditions prévues par cet article, l’intéressé dispose d’un délai de deux mois à compter du refus d’accès aux documents administratifs qui lui est opposé pour saisir la Commission d’accès aux documents administratifs. » Aux termes de l’article R. 343-1 de ce code : » L’intéressé dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus ou de l’expiration du délai prévu à l’article R. 311-13 pour saisir la Commission d’accès aux documents administratifs. » Et selon son article R. 343-3 : » La commission notifie son avis à l’intéressé et à l’administration mise en cause, dans un délai d’un mois à compter de l’enregistrement de la demande au secrétariat. Cette administration informe la commission, dans le délai d’un mois qui suit la réception de cet avis, de la suite qu’elle entend donner à la demande. »
4. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B a formé une demande initiale auprès de la DDPP 31 le 7 mai 2020 puis, à la suite de la décision implicite de rejet née deux mois plus tard, qu’il a saisi la CADA le 27 juillet 2020, soit dans le délai de deux mois prévu par l’article R. 343-1 précité. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que, à la suite de l’avis rendu par la CADA, le 29 octobre 2020, l’administration l’aurait informée de la suite donnée à la demande de M. B, comme le prévoit l’article R. 343-3 précité. En outre, il ressort des termes mêmes de la demande formulée par M. B le 1er décembre 2020, qui a fait l’objet d’une décision expresse de refus de la DDPP 31 le 4 décembre 2020, décision dont l’annulation est demandée par la présente requête, qu’il s’agit de la même demande que celle formée initialement le 7 mai 2020, à savoir la communication du dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale en Haute-Garonne, ainsi que la date des inspections précédentes de ces établissements. A cet égard, le préfet de la Haute-Garonne ne peut pas soutenir de bonne foi qu’il s’agit d’une nouvelle demande en raison de la seule mention suivante : » à défaut de ces dates, et si la quantité de documents n’est pas trop importante (par exemple si vous n’avez pas plus de 3-4 établissements sur votre territoire), j’aimerais avoir accès aux rapports d’inspection précédents, pour pouvoir analyser l’ensemble dans une perspective plus chronologique « , qui doit être lue comme une demande supplémentaire facultative, s’agissant de documents qui ne sont au demeurant pas demandés dans les conclusions à fin d’injonction de la présente instance.
5. Il résulte de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
6. Aux termes de l’article R. 214-104 du code rural et de la pêche maritime : » Les agents mentionnés à l’article R. 206-1 et au 1° de l’article R. 206-2 sont habilités à exercer dans les établissements utilisateurs, les établissements éleveurs et les établissements fournisseurs le contrôle de l’application des dispositions de cette section. / Les établissements éleveurs, fournisseurs et utilisateurs sont inspectés de façon régulière selon les modalités définies par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de la recherche et du ministre de la défense. »
7. Il résulte de ces dispositions que les établissements procédant à des expérimentations animales à des fins scientifiques font l’objet d’inspections régulières réalisées par des agents de l’Etat du département où ces établissements sont implantés et qui donnent lieu à un rapport d’inspection, ainsi que le prescrivent les dispositions du dernier alinéa de l’article 5 du l’arrêté du 1er février 2013 susvisé.
8. Aux termes de l’article L. 300-1 du code des relations entre le public et l’administration : » Le droit de toute personne à l’information est précisé et garanti par les dispositions des titres Ier, III et IV du présent livre en ce qui concerne la liberté d’accès aux documents administratifs. » Aux termes de l’article L. 300-2 de ce code : » Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. » Aux termes de l’article L. 311-1 du même code : » Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. » L’article L. 311-2 de ce code dispose : » () / L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. »
9. Aux termes de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration : » Ne sont pas communicables : / () / 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / () / d) A la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations ; () f) Au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente ; / g) A la recherche et à la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature ; / h) Ou sous réserve de l’article L. 124-4 du code de l’environnement, aux autres secrets protégés par la loi. » Selon l’article L. 311-6 de ce code : » Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l’administration mentionnée au premier alinéa de l’article L. 300-2 est soumise à la concurrence ; / 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; / 3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. () « . Aux termes de l’article L. 311-7 de ce même code : » Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. »
10. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de contrôler la régularité et le bien-fondé d’une décision de refus de communication de documents administratifs sur le fondement des articles L. 311-1 et L. 311-2 du code des relations entre le public et l’administration. Pour ce faire, par exception au principe selon lequel le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité d’un acte administratif à la date de son édiction, il appartient au juge, eu égard à la nature des droits en cause et à la nécessité de prendre en compte l’écoulement du temps et l’évolution des circonstances de droit et de fait afin de conférer un effet pleinement utile à son intervention, de se placer à la date à laquelle il statue.
11. Un document administratif détenu par une collectivité publique est soumis au droit d’accès prévu par l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous les réserves notamment prévues par les d), f) et g) du 2° de l’article L. 311-5 et l’article L. 311-6 du même code et, le cas échéant, dans les conditions prévues à l’article L. 311-7 du même code. En application de ces dispositions, doivent ainsi être disjoints ou occultés les éléments dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente, à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature ou à la protection de la vie privée de personnes ou lorsque ces éléments portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou font apparaître le comportement d’une personne dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, sauf à ce que ces disjonctions ou occultations privent d’intérêt la communication de ce document.
12. En l’espèce, les rapports d’inspection dont la communication est demandée, élaborés dans le cadre des missions de service public exercées par les services vétérinaires de la DDPP 31, constituent des documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Ils sont donc soumis au droit d’accès prévu à l’article L. 311-1 de ce code, sous les réserves précitées. En revanche, les dates des inspections précédentes ne constituent pas un document administratif au sens et pour l’application de ces dispositions.
13. En premier lieu, revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose.
14. En l’espèce, le préfet de la Haute-Garonne soutient que la demande de M. B serait abusive dans la mesure où le département de la Haute-Garonne compte une quarantaine d’établissements concernés, nombre qui n’est au demeurant ni précis, ni établi, sans toutefois démontrer que la transmission du même nombre de rapports, même partiellement occultés, représenterait une charge de travail disproportionnée pour la DDPP 31. En outre, en réponse à la possibilité de mobiliser le Service régional de l’alimentation (SRAL), avancée par M. B, le préfet se borne à expliquer que cette mobilisation d’un autre service n’allégera pas la charge de travail totale, et risquerait de perturber l’activité des services qui devraient prévoir une organisation spécifique. Dans ces conditions, dès lors qu’aucun élément relatif à la charge de travail nécessaire pour la DDPP 31, et le cas échéant pour le SRAL, ni même relatif au nombre et au volume des documents demandés, la demande de M. B ne saurait être considérée comme abusive au sens et pour l’application de l’article L. 311-2 précité.
15. En deuxième lieu, le préfet de la Haute-Garonne fait valoir que la communication des documents demandés représenterait une menace pour la sécurité publique et celle des établissements concernés, dès lors que des activistes de la cause animale ou antispécistes, au rang desquels figurerait le requérant lui-même, seraient susceptibles d’utiliser les informations qu’ils contiennent pour mener des actions violentes. A ce titre, il mentionne plusieurs actions violentes contre des élevages et des boucheries, ainsi qu’une intrusion commise le 21 mai 2017 dans les locaux de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), ainsi que le rapport parlementaire d’information sur » les moyens de juguler les entraves et obstructions à certaines activités légales » déposé à l’Assemblée nationale le 21 janvier 2021. Enfin, il ajoute que ces établissements prennent des mesures de sécurité, notamment en choisissant une implantation discrète et en sécurisant leurs accès. Toutefois, et alors que M. B fait valoir qu’aucun exemple d’action violente n’est mentionné dans le rapport parlementaire précité, pas plus que dans le manuel de communication de l’Association européenne de recherche animale, qu’il verse au dossier, les éléments apportés par le préfet ne suffisent pas à caractériser l’existence d’une menace avérée et directe pour la sécurité publique, ni pour celle des locaux et des biens en cas de divulgation, notamment, de l’identité des établissements en cause, de leur lieu d’implantation, des espèces d’animaux concernés ainsi que de la nature et de la gravité des non-conformités relevées. A cet égard, les personnes morales qui accueillent des expérimentations sur les animaux ne peuvent pas être regardées comme ayant, en cette seule qualité, un comportement tel que la simple divulgation de leur identité serait, par elle-même, susceptible de leur porter préjudice.
16. En troisième lieu, si le préfet de la Haute-Garonne soutient que les rapports sollicités ne seraient pas communicables en tant qu’ils constituent, d’une part, des documents préalables aux mesures correctives prises en application de l’article L. 206-2 du code rural et de la pêche maritime et, d’autre part, des procès-verbaux susceptibles d’être transmis à l’autorité judiciaire en application de l’article R. 215-10 du même code dans le cadre d’une action répressive, toutefois, en l’absence de tout commencement de preuve, ces allégations ne peuvent être regardées comme établies.
17. En quatrième lieu, si le préfet de la Haute-Garonne fait valoir que la transmission des rapports sollicités porterait une atteinte au secret des affaires, dès lors que les établissements concernés mettent au point de nouveaux médicaments, toutefois il ne justifie pas que les mentions relatives à la dénomination et aux coordonnées des établissements, aux dates des rapports, aux conformités ou éventuelles non-conformités relevées par les inspecteurs ou aux commentaires relatifs à chaque point de contrôle inspecté porteraient une telle atteinte, en méconnaissance du 1° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, sont protégées par le secret des affaires, au même sens, et en conséquence doivent être occultées, les mentions des rapports d’inspection qui comporteraient une description, même sommaire, de procédés ou techniques scientifiques ou industrielles, une telle description ne résultant en revanche pas de la seule mention du titre ou de la référence d’un projet scientifique ou industriel, dès lors que cette mention n’est pas assortie d’une explicitation, même sommaire, du contenu technique de ces projets.
18. En cinquième lieu, la protection de la vie privée des personnes physiques qui exercent une activité professionnelle dans des établissements qui accueillent des expérimentations sur les animaux ainsi que celle des rédacteurs des rapports sollicités commande l’occultation de leurs identités et de tout élément de nature à permettre leur identification, en vertu des dispositions de l’article L. 311-6 susmentionné.
19. En sixième et dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n’est pas fondé à soutenir que l’ensemble des commentaires et notations liées aux conformités et non-conformités, ainsi que des données géographiques et organisationnelles devraient être occultées. Dans ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’occultation des mentions permettant d’identifier les procédés et techniques mentionnés au point 17 et les personnes physiques citées au point 18 aurait pour effet de faire perdre tout sens aux documents demandés.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B est fondé à demander l’annulation de la décision du 4 décembre 2020 en tant que la directrice départementale de la protection des populations de la Haute-Garonne a refusé de lui communiquer le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale implanté dans le département de la Haute-Garonne.
Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :
21. L’exécution du présent jugement implique nécessairement que le préfet de la Haute-Garonne communique à M. B le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale dans le département de la Haute-Garonne au jour de sa demande, sous réserve des occultations relatives au secret des affaires et à la protection privée des personnes physiques mentionnées aux points 17 et 18. Il y a donc lieu d’enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder à cette communication dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a, en revanche, pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 4 décembre 2020 est annulée en tant que la directrice départementale de la protection des populations de la Haute-Garonne a refusé de communiquer à M. B le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale implanté dans le département de la Haute-Garonne.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de communiquer, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent jugement, à M. B le dernier rapport d’inspection de chaque établissement d’expérimentation animale implanté dans le département de la Haute-Garonne au jour de sa demande, sous réserve des occultations qu’impliquent la protection du secret des affaires et le respect de la vie privée des personnes physiques mentionnées aux points 17 et 18 du présent jugement.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C B, au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et au préfet de la Haute-Garonne.
Une copie sera adressée, pour information, à la Commission d’accès aux documents administratifs.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.